Fév
21
2011
Chasseur d'Images n°331 / Mars 2001
La trêve hivernale nous ayant valu l'habituel numéro double, ce n'est pas sans impatience que nous attendions l'arrivée du Chasseur d'Images de mars 2011. L'actualité matérielle n'est pas particulièrement fournie, mais ce calme relatif est l'occasion d'aborder des thèmes sortant un peu des sentiers battus.
Nous regrettions depuis quelques mois l'absence d'articles "pointus" et de tests originaux, le numéro de ce mois-ci change la donne. En effet, la rédaction a testé les objectifs Zeiss et Samyang non-AF en monture Nikon, et propose un dossier pratique de 20 pages consacré au format RAW.
Ce dossier constitue une excellente surprise : loin des querelles "pour/contre", il présente parfaitement la complémentarité RAW/JPEG (sans oublier le TIFF) qui n'ont pas vocation à être opposés. La notion du "négatif numérique" que constitue le RAW est très bien présentée, de même que son intérêt pour produire soi-même un JPEG en profitant de l'amélioration des logiciels. "Rawnan" Loaëc propose de plus une présentation sérieuse et complète des principaux logiciels gratuits de dématriçage (en plus d'Adobe Camera Raw, le "presque gratuit" fourni avec Elements), avec annoncée pour le mois prochain la présentation des principaux logiciels payants. Cette vingtaine de pages nous paraît être une réussite, claire, démonstrative, rassurante et nuancée.
Le test des focales fixes Zeiss (Distagon 18, 21, 25, 28 et 35 mm ZF2, Planar 50 et 85 mm f/1.4 ZF2, ainsi que Makro-Planar 50 et 100 mm f/2 ZF2), s'il est exécuté en monture Nikon, ne manquera pas d'intérêt pour les possesseurs d'autres montures. Déjà au titre de la culture générale (ce qui n'est pas rien), mais aussi par le jeu des bagues d'adaptation pour les possesseurs de NEX, voire de boîtiers Alpha certains de ces objectifs étant (en version ZF non pucée) disponibles en monture M42. Sans faire le détail de ces dix pages de tests, on en retiendra l'excellence optique atteinte, hormis par le 50 f/1.4 qui pourtant bénéficie d'une réputation bien plus flatteuse. Surprise ou exemplaire peu en forme, il faudra confirmer cela par d'autres tests. Reste que réunir une telle gamme pour un test n'a pas dû être une mince affaire...
Beaucoup plus atypiques, les Samyang 14 mm f/2.8 et 85 mm f/1.4 surprennent. De très bonnes performances optiques, un compromis adapté à leurs sujets respectifs de prédilection (portrait pour le 85 mm, diaphragme fermé pour le 14 mm), une bonne résistance au flare, le tout pour un tarif imbattable. La mise au point manuelle ne sera pas gênante avec un 14mm, mais pourra devenir problématique avec le 85 f/1.4 : bon viseur obligatoire. En revanche, seule la version Nikon AE (plus chère) étant dotée d'électronique, les autres montures (dont Sony) devront composer avec une mesure de lumière à diaph réel assez contraignante.
Toujours aussi original, Ghislain Simard nous propose un dossier sur la macro au moyen format. Tout photographe passé de l'APS-C au format 24x36 aura constaté le gain en modelé, douceur et précision des images. En particulier en proxy ou macrophoto, la différence de rendu est marquante et pousse à composer avec le bokeh plutôt qu'à se focaliser sur des gros plans détaillés. Le moyen format semblait bien alléchant pour Ghislain Simard (dont les photos d'insectes en vol sur fonds sublimes ont fait le tour du monde), cependant les piètres performances en hautes voire moyennes sensibilités de boîtiers conçus pour le studio restaient rédhibitoires. Mais la sortie de nouveaux capteurs rend ces MF utilisables en extérieur, jusqu'à 800 ISO dans le cas du Hasselblad H4D + dos 40MP testé ici. Ceci additionné à l'obturateur central monté dans les objectifs permettant la synchro-flash à toutes les vitesses a donc poussé Ghislain à franchir le pas.
Les résultats sont formidables, le gain ne concerne pas que la taille de tirage permise par la résolution mais aussi le modelé et le rendu, uniques. Je n'ose pas imaginer le travail nécessaire avant d'exploiter correctement un tel matériel, entre le flash non TTL, le prérelevage systématique du miroir, l'extrême sensibilité au bougé rendant la maîtrise indispensable et... le prix de l'ensemble excluant le simple "essai pour voir". On comptera en dizaines de milliers d'euros (au pluriel...), un ensemble trépied + rotule adapté coûtant à lui seul le prix d'un très beau reflex... Des photos superbes donc, addition d'années de labeur au service d'un matériel exceptionnel.
La Leçon de photo "charme et pudeur" aborde un thème accessible aux débutants, le titre annonçant bien le but visé : réussir une photo de charme en nuances et suggestion, sans tomber dans la vulgarité. Les astuces et méthodes présentées sont accessibles, la leçon est efficace. Trois portfolios sont présentés :
• Dan Zollmann nous propose une immersion dans la communauté juive orthodoxe Anversoise. Un sujet on ne peut plus précis, traité sur plusieurs années et exhaustif à souhait. La notion "d'immersion dans le sujet" prend ici tout son sens, avec des photos tour à tour connotées reportage ou construites comme une peinture... flamande.
• Jérôme Bonnet, "photographe de stars", propose une sélection variée de portraits. La simplicité apparente des images cache une immense maîtrise technique, une photo aussi épurée et expressive que celle de Dennis Hopper par exemple force le respect.
• Pour terminer, nous découvrons le travail de Maxime Lardy, photographe de scène rock. L'interview est plutôt courte, et aborde le problème de l'obtention des accréditations plutôt que celui de la photographie en faible lumière, il est vrai facilitée par les résultats en haute sensibilité des reflex récents.
Un petit clin d'oeil à l'édito de Guy-Michel Cogné où l'on compatira devant son effondrement d'étagère ayant répandu au sol les 36 disquettes d'installation de Microsoft Office 4, ainsi que la collection de CD d'installation de nombreux logiciels. Aujourd'hui, le support est dématérialisé, du téléchargement du logiciel au paiement en ligne de sa licence... Mais les données elles-mêmes prennent le même chemin, du négatif argentique au "cloud computing" où l'image est virtualisée. Nos angoisses actuelles sur la pérennité des supports numériques (du disque dur au Blu-Ray) sont-elles uniquement appliquées à des supports de transition en attendant un stockage global sur Internet ? Une vraie bonne question à mon sens, dont les tenants et aboutissants sont bien loin d'un définitif "c'était mieux avant"...
Commentaires
Pour le coup, si on est sévères quand on trouve critiquable, il faut aussi dire quand c'est bon. Et ce mois-ci, c'est bon, même s'il ne se dit pas particulièrement du bien du matériel Sony :wink:
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