Oct
10
2012
WorkFlow : premier magazine consacré au flux de production d'images
En ces temps difficiles pour la presse papier, le pari est audacieux : lancer un nouveau magazine entièrement consacré au flux de production d'images, autrement dit à tout ce qui advient après le déclenchement. Qui d'autre que le Monde de la Photo pouvait oser cela ? Le magazine dispose d'une équipe rédactionnelle de choc sur ces sujets qui ont déjà une forte prégnance dans sa ligne éditoriale. La tentation d'en faire un objet à part entière est évidente, la difficulté étant d'en faire un objet entièrement à part...
Je pense que ce nouveau magazine arrive au bon moment : les photographes ont largement pris conscience qu'en numérique, l'acte photographique ne se limite pas à la prise de vue, même s'il traîne encore l'idée fausse que le traitement d'images est un bidouillage illégitime, voire une tricherie. Seuls ceux qui ne connaissent pas la réalité du processus de création d'un Jpeg par le boîtier pensent encore cela. Qu'un magazine se consacre entièrement au flux de production d'images est donc une très bonne chose. Reste à savoir à qui s'adresse WorkFlow et quelle sera sa ligne éditoriale. Un premier numéro est toujours un peu spécial, mais il donne forcément de nombreux éléments de réponse.
Avant de parcourir le contenu du magazine, un mot sur son titre qui devrait faire grincer les dents des amoureux de la langue française. Bien que j'en fasse partie, mes dents n'ont pas grincé pour la simple raison que j'ai cherché en vain un titre de remplacement en français. Qui achèterait les magazines Flux de travail, Flux de production ou Chaîne de l'image ? Le mot Workflow a l'avantage de la brièveté. Ça claque et c'est facilement identifiable, autant de qualités importants pour un magazine qui tente de s'installer.
La seule chose qui m'inquiète est qu'on puisse le confondre avec l'un de ces magazines qui infestent depuis de longs mois les rayons photo, vidéo et création graphique des maisons de la presse. Ces magazines adoptent souvent des titres anglo-saxons, mais là s'arrête la comparaison. Ils sont à la presse spécialisée ce que l'algue Caulerpa Taxifolia est à l'écosystème marin : une nuisance proliférante. J'espère sincèrement que les lecteurs potentiels sauront faire la différence et ne s'arrêteront pas au titre.
Conduite par Pascale Brites, l'équipe de WorkFlow ressemble beaucoup à celle du Monde de la Photo. On y retrouve notamment Laurent Katz, Volker Gilbert, Gilles Théophile, Sébastien Abric et Patrick Lévêque, sous l'oeil vigilant de Vincent Trujilo et Benjamin Favier. Une fine équipe donc, ce qui est une promesse de qualité avant même d'ouvrir le magazine.
Ouvrons-le tout de même, et découvrons son contenu. Un mot sur la maquette, plaisante et très aérée. Le choix d'un format presque carré est très pertinent pour le genre de sujets traités, notamment pour les tutoriels dont les vignettes sont de bonne taille, donc bien lisibles. Du moins pour tous ceux qui sont construits sur la base de trois vignettes par pages. Les tutos à 9 vignettes par page, faut oublier ça, les gars... Heureusement, il n'y en a que deux dans ce genre.
Numéro 1 oblige, il fallait planter le décor avec une vue macroscopique des sujets qui constituent le flux de travail du photographe (photo et vidéo). Le dossier introductif donne sans doute une bonne image de ce que sera le contenu du magazine à terme. Indépendamment du contexte, ce dossier peut laisser un goût de trop peu, mais il faut le considérer pour ce qu'il est : une ouverture programmatique destinée à offrir un cadre général aux photographes qui n'ont pas encore de flux de production d'images bien structuré.
Sitôt planté le décor, le magazine démarre avec un sujet intitulé À la découverte du Raw. C'est bien sûr Volker Gilbert qui est à la manoeuvre. Dix pages "seulement", mais l'objectif est ici de faire découvrir le potentiel du format Raw. C'est donc bien suffisant, surtout sous la plume précise et expérimentée de Volker.
On l'aura compris, la première moitié du magazine est destinée à poser les bases en vue d'un approfondissement ultérieur.
La deuxième partie du magazine entre dans le vif du sujet en abordant les outils du flux de production. À tout seigneur, tout honneur : c'est Lightroom qui ouvre le bal avec un sujet de 17 pages déclinées sur le thème de la découverte évaluative. Ceux qui n'ont encore jamais pris en main le logiciel en mesureront tout le potentiel, et ceux qui le connaissent déjà piocheront des idées et liront avec intérêt les sujets pratiques sur la dynamique et l'épreuvage.
Suivent une douzaine de pages de tutoriels sur Photoshop, Capture NX2 et DPP, puis un sujet sur le montage vidéo (qui est une nouvelle fonctionnalité de Photoshop CS6).
La double page intitulée Multipliez les écrans sur Windows signale que l'environnement de travail fera partie du champ d'intervention du magazine, qui ne sera donc pas exclusivement centré sur les logiciels.
La section des tests évalue la plateforme d'exposition virtuelle DarQroom, les logiciels Snapseed et ACDSee Pro 5, l'imprimante Epson Stylus Photo 1500W, la sonde Spyder 4, la tablette Wacom Intuos5 Touch et le papier photo Hahnemühle Rice paper.
Je n'ai pas évoqué les pages introductives, car elles sont essentiellement consacrées aux news. Y figure d'ailleurs la seule (petite) fausse note de ce numéro : une double page consacrée à la sortie du Nikon D600. Que vient faire un appareil photo dans un magazine consacré au flux de travail ? Si le matos et la prise de vue en font partie, WorkFlow devient redondant avec le Monde de la Photo et perd une partie de son intérêt. Même dans les news, le matos photo ne me semble pas avoir sa place.
Pour conclure, la lecture de ce premier opus m'a fait une très bonne impression, avec beaucoup de promesses pour les numéros à venir. J'en conseille vivement la lecture à tous les photographes intéressés par ces sujets, surtout s'ils ne sont pas encore convaincus que bien des choses se jouent après le déclenchement. J'attends avec impatience le numéro 2 qui, traditionnellement, dévoile ce qu'un magazine a vraiment "dans le ventre". Mais il faudra patienter jusqu'au mois de décembre, car WorkFlow est un bimestriel. Je lui souhaite longue vie. Vous pouvez prendre connaissance du sommaire complet en images sur le site du Monde de la Photo.
PS : il paraît qu'avec plusieurs années de nuisance, la Caulerpa Taxifolia est en régression spontanée de plus 80%, pour de probables raisons d'appauvrissement génétique...
Commentaires
J'ai acheté le magazine hier soir...pour voir...bon je ne suis pas franchement convaincu...cela me semble trop brouillon, et effectivement les news matériel n'ont pas leur place.
Je vais lire plus attentivement ce week-end...à suivre.
Bref on verra au second numéro mais pour l'instant il est prudent de s'asbstenir
Peut être au fond en voulant défendre notre langue commettons nous un erreur, l'erreur classique de ceux qui sont dans une position défensive et non plus dans un rôle de proposition.
Je m'aperçois en te lisant que, tout comme moi et ceux qui avaient sans trop de conviction tenté ce qui n'était au fond que un jeu, tu pars de l'expression anglaise pour la traduire un peu comme si le Français ne contenait pas en lui même ce concept de travail en aval de l'acte photographique.
Je tente encore de proposer "La chambre claire" mais en en parlant avec mon vendeur de presse il m'a fait remarquer que c'était le titre du dernier Arsène Lupin.
Le bon français serait donc inerte depuis le temps de ces bons auteurs ?
J'ai attendu de le lire pour en parler, sur le site de LMDLP il y a un bon billet qui regrette déjà le sempiternel article sur Photoshop et une bonne réponse de la rédaction qui nous apprend que sa tentative passée d'un numéro spécial sur Photoshop Element s'était soldé par une des pires ventes qu'ils n'aient enregistrées .
On doit donc en prendre acte.
En relisant plus tranquillement ce matin plusieurs des articles il m'est apparu que si cette formule voulait dépasser un énième déclinaison du numéro spécial il serait judicieux de créer un site, un blog ou que sais je un forum organisé par article, cela pourrait rendre aux contenus une profondeur qu'il est impossible de donner ainsi à une publication qui entend après tout toucher un public très large.
Pour l'instant le genre d'information qu'il me plairait de retrouver par la suite est celle qui précise en page 129 comment on doit se comporter en numérotant ses tirages.
L'essai d'un papier Fine-art aussi est intéressant.
La présentation de Darqroom donne envie d'attendre la suite pour l'instant elle rejoint ma propre pratique j'aurais aimé trouvé un commentaire sue le positionnement fiscal de Darqroom et son statut dans la diffusion des images du moins selon le droit français. Il n'est par ailleurs nulle part fait mention du prix d'accès à ce beau service web hors si on souhaite choisir soit même les prix de cessions il faut opter pour un niveau d'abonnement qui commence à peser son poids sur une année.
J'espère que nous trouverons bientôt tous les éléments de réflexion tant sur le choix et la pérennité des matériels informatiques que la construction d'un thésaurus et que nous verrons le projet évoluer en dépassant le simple inventaire de logiciels .
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