Sep 10 2009

Fill-in en forte lumière et synchro haute vitesse

trial_fujigas.jpgAprès avoir vu la technique du fill-in au flash en faible lumière dans un précédent article, je vous propose d'explorer l'utilisation de cette technique en forte lumière.
En faible lumière, nous avons vu que l'intérêt était d'équilibrer la lumière provenant du flash et la lumière d'ambiance pour un résultat naturel et agréable, en contournant la difficulté principale liée aux automatismes du boîtier. En forte lumière, le problème du manque de luminosité ne se posant pas, quel peut donc être l'intérêt du flash ?

Le principal problème pouvant se poser en forte lumière est la différence de luminosité entre les éléments situés à l'ombre et ceux situés en plein soleil, la dynamique du capteur mais surtout de l'écran ou du papier ne permettant pas de retranscrire un contraste aussi important.
En pratique, le problème se posera en situation de contre-jour, typiquement pour un portrait dans lequel le sujet sera dos au soleil, ou coiffé d'un couvre-chef plongeant tout ou partie de son visage dans l'ombre.
Dans ce cas de figure, on pourra utiliser le flash pour "déboucher" le contre-jour, comme nous l'avons vu à la fin de l'article précédent.
La méthode est simple et efficace, mais un problème différent de celui apparaissant en faible lumière pour le fill-in se pose : le flash intégré du boîtier ne fonctionne que jusqu'à la vitesse de synchro-X, variant selon les boîtiers (et l'utilisation de la stabilisation) entre 1/125 à 1/250 seconde. Ceci est dû au mode de fonctionnement de l'obturateur focal, qui au-delà de cette vitesse ne laisse pas le capteur découvert en totalité au moment de l'éclair de flash, générant une bande sombre sur l'image. Le boîtier refuse alors d'afficher une vitesse d'obturation supérieure.

Nous allons voir ce que cette limitation technique entraîne sur la portée du flash, et comment pallier ce problème...

Tous les calculs de cet article sont faits selon la méthode du nombre-guide :

portée = NG / ouverture.


Calculons l'effet de cette limitation à la vitesse de synchro-X du flash intégré : si une scène nécessite une exposition de 1/2000 de seconde à f/4 (très forte luminosité), on sera obligé de fermer le diaphragme à f/16 pour atteindre la vitesse de 1/125è impossible à dépasser avec un boîtier amateur, stabilisation activée.
Voici le calcul à partir du NG 12 d'un flash intégré :

NG           
ouverture portée théorique
12 f/16 0,75 mètres

On a donc une portée limitée à 75 cm et une PDC très étendue, peu compatibles avec une utilisation "reportage". Il faut envisager autre chose...



Flash cobra et HSS

On comprend l'utilité de disposer d'un flash de forte puissance pour "déverrouiller" les hautes vitesses et pour améliorer la portée.
Toutefois, pour dépasser la vitesse de synchro-X, le flash externe est obligé de passer en synchro haute vitesse (nommée HSS pour "High Speed Sync"). Cela fait baisser le nombre-guide, de manière proportionelle à l'augmentation de vitesse.
Pour illustrer ceci, voici un tableau donnant l'évolution du NG du flash Sony 56 selon la vitesse d'obturation (à la focale de 85mm pour simplifier). J'ai choisi ce flash (discontinué) plutôt que le 58 plus récent car son nombre-guide de 56 facilite les calculs en faisant des "comptes ronds" aux ouvertures standard, comme f/2.8, f/4 ou f/5.6...

vitesse nombre-guide
<synchro-X 56
1/250 22
1/500 16
1/1000 11
1/2000 8
1/4000 5.6
1/8000 4

Nous voyons donc que même avec un flash puissant, à partir d'une vitesse de 1/1000 la puissance est inférieure à celle du flash intégré, qui est de toute façon inutilisable à cette vitesse.

La problématique s'éclaircit : en forte lumière, quelle que soit la méthode (faible ouverture et vitesse basse ou synchro haute vitesse), nous serons confrontés au problème de la portée.
Que l'on joue sur la vitesse, l'ouverture, ou même la sensibilité (ISO), à exposition équivalente la portée du flash n'augmente pas. En effet, si on diminue la vitesse pour augmenter le NG, il faudra diminuer l'ouverture ou la sensibilité pour conserver la même exposition. Je vous propose quelques rapides calculs pour confirmer cela, en partant toujours d'une exposition correcte avec les paramètres suivants : 1/2000 - f/4 - 100 ISO. Cela correspond à une luminosité très forte, mais le fill-in pour déboucher un visage s'utilise plutôt en cas de soleil violent, et on pourra même avoir une exposition encore plus contraignante.

vitesse     
NG      
ouverture sensibilité portée théorique
1/2000 8 f/4 100 ISO 2 mètres
1/1000 11 f/5.6 100 ISO 1,96 m
1/500 16 f/8 100 ISO 2 m
1/2000 8 f/5.6 200 ISO 2 m

Dans la dernière ligne, en faisant varier la sensibilité on multiplie la portée par 1,4 quand on double la valeur ISO. Mais pour garder la même exposition, on doit descendre d'une vitesse ou d'un diaphragme, ce qui (on le voit sur le tableau) divise également le NG par 1,4... Le bilan est donc nul.
Quel que soit le décalage, la portée du flash reste en effet identique (aux arrondis de calculs près). Nous sommes donc face à un réel problème : une portée très courte, et qui plus est calculée avec la tête zoom du flash à 85mm, ce qui à cette distance produit un cadrage extrêmement serré. Pour résumer, dans les mêmes conditions à 24mm, la portée du flash n'est plus que de 1,07 mètres, ce qui devient dramatique...

Existe-t-il une solution ? Il y en a même plusieurs, technologiques ou "astucieuses"... On pourra ainsi être tenté par une augmentation du NG, par la sortie de la zone "HSS" ou par une diminution de l'exposition.

{jospagebreak_scroll title=Les solutions envisageables&heading=Introduction}

1/ Augmenter le NG

La première chose à laquelle on pense, c'est un flash plus puissant. Le calcul est simple, si on veut doubler la portée il faut doubler le NG. Problème, pour cette puissance (ici un NG cible de 112) on quitte le monde des flashes cobra pour celui des torches autonomes à batterie. Autre budget, autre maniabilité : on sort du cadre d'une utilisation amateur ponctuelle pour déboucher un visage...

Il existe aussi le système du "better beamer" :

better_beamer.jpg

Il s'agit d'une lentille de Fresnel qui focalise la lumière en avant du flash (comme un phare maritime) pour augmenter le nombre-guide en réduisant la couverture (le principe même de la tête zoom du flash finalement). Cela semble convenir, avec une portée qui peut être doublée, mais c'est inadapté dans notre cas : la couverture restante est calculée pour une focale supérieure à 300mm. Cet accessoire est prévu pour les lumières plus faibles, courantes en animalier, et se montre encombrant, empêchant de plus l'utilisation d'un diffuseur ou réflecteur...

Donc, pour un usage ponctuel, il n'y a pas de solution "technologique" permettant d'augmenter simplement la portée... Comment faire ?


2/ Sortir de la HSS


C'est LA solution à viser. On le voit sur le tableau en début d'article, la perte de NG se fait proportionnellement à la hausse de vitesse en HSS, mais dès qu'on quitte la HSS ce NG augmente subitement. De 1/2000è à 1/500è (2 IL) le NG double (passant de 8 à 16) alors que de 1/500è à 1/125è (perte identique) le NG est multiplié par 3,5. On fera donc ce qui est possible pour sortir de la HSS, par exemple en fermant le diaphragme ou diminuant la sensibilité. Si c'est impossible, une astuce peut aider, nous y reviendrons...

La perte du NG ne se produit qu'en HSS. En dessous, la vitesse d'obturation n'influe plus sur la portée du flash qui peut travailler à haute puissance. Sur le boîtier de notre exemple, la synchro-x est à 1/125è, vitesse atteinte à f/16. Mais à cette vitesse, on récupère un NG de 56, ce qui va augmenter la portée : 3,50 mètres au lieu de 2 en HSS (première ligne du tableau ci-dessous).

En revanche, descendre plus bas en vitesse ne fera rien gagner car le NG ne bouge plus mais l'ouverture diminue. Par exemple au 1/60 - f/22 la portée sera de seulement 2,54 mètres (ligne 2).

On voit ici l'intérêt de disposer d'un boîtier expert avec une synchro-X à 1/250 : on y arrive en fermant moins le diaph (ici f/11 à 1/250 au lieu de f/16 à 1/125). La portée atteint alors 5,10 mètres, au lieu de 3,50 m (ligne 3).

vitesse NG    
ouverture portée
1/125 56 f/16 3,50 mètres
1/60 56 f/22 2,54 m
1/250 56 f/11 5,10 m




3/ Les astuces


- Modifier la focale de la tête zoom

Seuls les flashes Sony 42 et 58 tiennent compte du facteur de recadrage si vous utilisez un boîtier APS-C. Ces deux flashes règlent automatiquement la tête en position 35 mm si vous êtes à 24 mm pour tenir compte du cadrage plus serré de votre boîtier, et ainsi augmenter le NG. Le gain est faible, mais réel : avec le flash 56 de notre exemple, on passe à pleine puissance d'un NG 30 (24 mm) à NG 38 (à 50 mm). On peut donc, avec les flashes ne disposant pas de cette fonction, zoomer manuellement pour gagner un peu.

Quitte à zoomer manuellement, pourquoi ne pas aller plus loin ? Nous parlons bien de déboucher un contre-jour ponctuel, pas d'éclairer uniformément l'ensemble du champ. On peut donc, selon le sujet et son placement dans le champ, sacrifier la couverture latérale pour gagner en NG au centre. Ainsi, passer de la position 35 mm à 85 mm permet de gagner 50 % de NG et donc de portée. Avec un boîtier plein format, on aura une couverture suffisante pour la partie centrale de l'image, et avec un boîtier APS-C la couverture sera encore meilleure.
N'oubliez pas que l'on peut orienter verticalement (voire horizontalement) la tête du flash, ce qui permet dans ce cas de figure de déboucher un sujet excentré dans le cadrage. On y arrive assez précisément mais cela reste pénalisant en terme de réactivité.

On peut théoriquement arriver à doubler la portée en passant de la focale la plus courte du flash à la plus longue, mais seulement sur une zone à déboucher occupant un très faible espace dans le cadrage. Raisonnablement, pour un sujet courant, on peut monter la focale de la tête zoom autour du double de la focale réelle, ce qui permet de gagner entre 30 et 50 % de portée, ce qui n'est pas négligeable.

Reste que si vous êtes déjà à la focale maximale du flash avec votre objectif, il n'y a plus rien à gagner...


- Surexposition

Nous l'avons vu, la portée du flash en haute lumière est essentiellement conditionnée par la luminosité ambiante. La première astuce, très simple, sera de surexposer l'arrière-plan d'1 IL, ce qui permet déjà de multiplier la portée par 1,4. Dans notre exemple, on passe de 1/2000 - f/4 à :

vitesse NG    
ouverture sensibilité portée
1/1000 11 f/4 100 ISO 2,75 m
1/2000 8 f/2.8 100 ISO 2,85 m
1/2000 8 f/4 200 ISO 2,80 m


En pratique, on peut quasiment doubler la portée : l'arrière-plan sera surexposé, et le premier plan théoriquement hors de portée du flash recevra quand même un éclairage, mais insuffisant. Résultat : un éclaircissement léger, qui se mariera souvent bien avec l'assombrissement d'1 IL de l'arrière-plan seul en post-traitement.
On ne gagne pas énormément, mais une surex d'1 IL se rattrape bien si l'on utilise le RAW. S'il n'y a pas de zones très claires, on peut tenter d'augmenter la surexposition, mais son rattrapage en post-traitement risque d'être plus hasardeux... A voir.

Toutefois, cette méthode nécessite des corrections locales en post-traitement, et aussi pas mal de pratique pour "tricher" sur l'exposition en continu, soit en mode M, soit avec la correction d'exposition, toujours en surveillant du coin de l'oeil la portée de son flash sur son écran arrière. La technique manuelle qui convenait bien en faible lumière trouve ici ses limites, en étant certes utilisable mais beaucoup plus contraignante : la marge de manoeuvre est faible et le post-traitement obligatoire.

Reste une astuce, à laquelle on ne pense pas en utilisant un flash... Regardez au fond de votre sac, il y a certainement un accessoire qui traîne et qui permettrait de diminuer la luminosité globale pour augmenter le NG... Vous séchez ?


- Le filtrage

Cet accessoire est... votre filtre polarisant !

Oui, je sais, rien à voir a priori ! Et pourtant si : en plus de filtrer la lumière polarisée, ce filtre a le "défaut" de faire perdre entre 1,5 et 2,5 IL (en fonction de sa qualité et dans une moindre mesure de son orientation). Et alors ? C'est tout simple, considérons pour simplifier que ce filtre fait perdre 2 IL en moyenne, ce qui permet de décaler d'autant l'expo, mais ici de manière automatique, et sans post-traitement : Au lieu de 1/2000 - f/4 on sera à 1/500 - f/4 pour une exposition identique, ce qui augmente le NG et donc la portée.

vitesse NG    
ouverture sensibilité portée
1/500 16 f/4 100 ISO 4 m

La portée atteint 4 mètres au lieu de 2 sans filtre, sans réglage spécifique.

Le gain est déjà un peu plus intéressant, et on peut le croiser avec la méthode précédente, en surexposant d'un IL, soit une portée d'environ 5,60 mètres au total.
Ca devient beaucoup mieux que 2 mètres en reportage ou portrait, et plus adapté à la focale de 85mm...

Théoriquement, monter un filtre (ou augmenter le tirage avec des bagues-allonge) fait réduire le NG et donc la portée dans la même proportion que ce qu'on perd en ouverture. L'ouverture résultante (dénommée T ) remplace l'ouverture réelle de l'objectif (nommée f/), et montre un gain nul. Par exemple, un filtre faisant perdre deux diaphragmes donne une ouverture T/8 sur la base d'un diaphragme fermé à f/4. Portée théorique donc inchangée, mais on exploite une autre subtilité : la modification du ratio entre l'éclairage du premier plan et de l'arrière-plan.

En effet, la puissance supplémentaire disponible pour le flash en baissant la vitesse permet de diminuer sensiblement le contraste entre contre-jour et fond. Si la portée théorique reste identique (par perte d'ouverture), le résultat est différent : le contre-jour est mieux débouché. En conséquence, quand on sort de la distance de portée théorique sans filtre (ou avec en tenant compte de l'ouverture résultante T), le manque de puissance se fait sentir beaucoup moins vite, et le débouchage est efficace de plus loin (sans être total, mais toutefois naturel comme sur les photos ici présentées).

Il faut théoriquement orienter le filtre en vérifiant le résultat dans le viseur, mais l'effet de polarisation est minime sur la lumière du flash qui revient pratiquement à la perpendiculaire sur l'objectif, ce qui évite beaucoup de résultats surprenants. Si vous en disposez, un filtre gris neutre (ND) évite d'éventuels effets indésirables, et permet de gagner plus selon son coefficient. En fait, le filtre ND est plus logique dans le but de diminuer la luminosité, mais de nombreux photographes disposent d'un polarisant et pas d'un filtre gris neutre, c'est pourquoi je l'ai pris en exemple. Un ND8 comme ceux disponibles le plus couramment fait perdre 3 IL, et permet donc dans notre exemple d'atteindre les 6 mètres sans "tripatouillage" des réglages ni post-traitement.

En situation, l'effet polarisant me semble imperceptible sur l'éclair du flash (je ne dis pas "inexistant" car je ne suis pas sûr que ce soit théoriquement vrai, mais je n'ai pas trouvé de publication à ce sujet...). Son seul effet est sur la saturation du ciel et/ou de la végétation, en plus de la suppression des reflets. Mais de toute façon, la perte de 2 IL est aussi obtenue lorsque le filtre est orienté de manière à avoir un effet nul.



Le filtrage et le réglage manuel de la tête zoom, concrètement

Voici une comparaison concrète de la portée du flash selon les réglages et la présence ou non d'un filtre. Les photos ont été prises à une focale de 17mm en APS-C, correspondant environ à 24mm en plein format, et à un réglage équivalent pour la tête zoom du flash. Le premier plan est à environ 4 mètres du boîtier. Vous pouvez cliquer sur les boutons correspondants sous l'image pour voir les différences d'exposition :


Cliquer sur les boutons pour changer l'image



Photo 1 : Exposition multizone "classique", sans flash. On voit que l'arrière-plan est bien exposé, mais que le contre-jour assombrit trop le premier plan.
1/1600 - f/4 - 100 ISO

Photo 2 : Mesure d'exposition "spot", sans flash. Le premier plan sur lequel on effectue la mesure est bien exposé, mais l'arrière-plan est "cramé".
1/400 - f/4 - 100 ISO

Photo 3 : Flash réglé sur 24mm, puissance flash à 1/1 pour éviter de fausser l'essai par une éventuelle baisse de puissance décidée par le boîtier. On distingue très légèrement l'éclair du flash par rapport à la photo 1, mais la portée théorique d'environ 1,25 mètres est clairement insuffisante.
1/1600 -  f/4 - 100 ISO- NG flash environ 5

Photo 4 : Flash réglé sur 85 mm, filtre polarisant. Perte d'environ 1,6 IL entraînant une vitesse de 1/500 pour f/4, et donc une portée augmentée en débouchage partiel.
1/500 - f/4 - 100 ISO- NG flash 16

J'ai choisi ce sujet car il permet de voir (outre le gain en portée) la perte de de couverture due à la focale de 85mm employée au flash : vers le milieu de la croix (photo 4) on distingue un manque de luminosité croissant vers le haut, subtil mais réel. Le résultat est toutefois meilleur que la photo 3, et il est évident que la perte de couverture du flash ne se fait vraiment sentir qu'à partir d'une zone vraiment excentrée... sur un sujet plus ponctuel, ce serait invisible.
Notez que la photo 4, à la balance des blancs strictement identique, fait apparaître l'effet du polarisant sur la végétation. Le ciel est quasi identique, mais un filtre gris neutre aurait évité ce léger changement (peu gênant toutefois).


{jospagebreak_scroll title=En pratique}

En pratique

Pour la démonstration, j'ai choisi une luminosité très forte qui montre bien la réduction de la portée, mais dans de nombreuses circonstances l'arrière-plan a une luminosité plus nuancée, et du coup la portée s'améliore. Je parlais de portraits et reportage, et le fill-in sert par exemple beaucoup en sport. Par exemple, déboucher le visage du VTTiste ou du trialiste à l'ombre de la visière de son casque faire "ressortir" la tenue ou l'équipement par un éclair. Dans ce cas de figure, avec des arbres ou des tribunes en arrière-plan, on arrive souvent à une exposition correcte autour de 1/500 - f/4 - 100 ISO, soit une portée de 4 mètres au départ. En montant le polarisant on arrive à 1/125 (-2 IL), ce qui permet dans notre cas de sortir de la synchro haute vitesse et donc de récupérer la totalité de la puissance du flash, avec une portée de 14 mètres (56/4). Cette portée est théoriquement à diviser par 2 pour tenir compte du polarisant, mais en pratique comme vu plus haut on aura un débouchage partiel permettant une portée située entre ces deux distances, selon les circonstances.
On le voit, dans cette situation courante, le simple fait de monter un polarisant permet de sortir de la HSS et donc de passer de 4 à une dizaine de mètres de portée sans "tricher" sur les réglages ni post-traiter.

Cela illustre aussi l'importance de la vitesse de synchro-flash du boîtier : les A700, A850 et A900 ont une synchro-X au 1/250è, ce qui permet de récupérer plus vite la puissance totale en fermant simplement le diaphragme. Dans notre exemple, on atteindrait le NG de 56 à 1/250, ce qui permettrait pour la même exposition d'ouvrir à f/2.8 ou de monter à 200 ISO en restant à f/4, ce qui multiplierait la portée par 1,4, soit une portée théorique d'une quinzaine de mètres au lieu de 10. Soit un gain énorme par rapport aux 4 mètres sans filtre ni réglage astucieux...

Dernier point à souligner, l'intérêt de disposer d'un flash équipé d'un écran à l'arrière affichant la portée automatiquement selon vitesse, diaphragme et sensibilité. De nombreux flashes d'entrée de gamme sont seulement équipés de quelques diodes indiquant si l'exposition est bonne ou pas après coup, mais sur lesquels rien n'indique la portée théorique. Nous avons-vu que celle-ci devient problématique en forte lumière, et beaucoup plus faible que ce qu'on imagine a priori. L'absence d'écran n'est absolument pas gênante en faible lumière (portée forte), mais ici c'est handicapant...
A la pression à mi-course sur le déclencheur, la mesure de lumière se fait et l'écran arrière du flash affiche la portée. En utilisant les astuces données ici, le fait de refaire la mesure de lumière actualise cette indication de portée, ce qui évite de nombreux calculs... Le gain réel avec un filtre est inférieur à ce qu'indiquera le flash car il ne tient pas compte de sa présence, néanmoins on aura un ordre d'idée du gain total avec les autres paramètres.


Pour résumer, voilà une procédure en cas de manque de portée en synchro haute vitesse :

- Tout d'abord, régler manuellement la tête zoom (si la focale le permet). Un gain d'environ 50 % de portée est peu parlant au départ, mais ajouté aux astuces suivantes, il peut faire gagner beaucoup...

- Si on peut descendre en vitesse, fermer le diaphragme permet souvent de sortir de la zone de synchro haute vitesse et donc de récupérer une portée "sérieuse".

- Si l'ouverture est primordiale pour le résultat, monter un filtre permet aussi de "descendre" vers la sortie de la HSS. Si on ne l'atteint pas, la différence de ratio d'éclairage fond / sujet permet en pratique de gagner en portée.

- Croiser ces deux solutions permet d'atteindre la vitesse de synchro-X plus facilement.
Par exemple au lieu de fermer à f/11 pour arriver à la synchro-X, on pourra se contenter de f/5.6 avec un filtre. L'arrière-plan sera plus flou. Cela évite aussi en forte luminosité de devoir fermer trop et de perdre en qualité par apparition de la diffraction.

Cette astuce m'a valu les regards dubitatifs, voire narquois, des photographes qui me voyaient monter un polarisant ET un flash avec un 70-200 sur la dernière compétition de trial  que j'ai photographiée. Mon but était de faire des "portraits" en débouchant l'ombre de la visière du pilote, à une distance d'une dizaine de mètres et bien évidemment en gardant un fond flou, donc à pleine ouverture.

La photo suivante a été prise à 200mm, f/2.8 et 1/200 de seconde à 100 ISO, avec filtre polarisant. Sans filtre à 1/800, le NG est d'environ 13, ce qui nous donne une portée théorique de 4,65 mètres, augmentée avec le filtre. Notez qu'ici avec un boîtier expert (synchro-X à 1/250è) ou en fermant à f/4, j'aurais récupéré un NG de 56, donc une portée de 20 mètres...
J'étais donc à une dizaine de mètres, et monter un polarisant m'a permis d'avoir une portée juste suffisante pour un débouchage partiel : on voit encore l'ombre portée sur le visage (ce qui reste visuellement naturel), mais avec une portée plus courte le visage aurait été aussi sombre que l'arrière-plan, lui aussi à l'ombre :

trial_200mm.jpg


Il est pratiquement impossible sur cette photo de déterminer qu'un flash a été utilisé, ce qui est l'objectif recherché : le résultat est bien un mélange discret du flash et de la lumière naturelle pour "déboucher" l'ombre, avec une méthode simple permettant de passer outre les automatismes du boîtier, et en faisant confiance à l'exposition automatique du flash pour gérer sa puissance.
La photo du début de l'article a été prise avec exactement les mêmes réglages, mais à une focale de 130mm car le pilote était plus près. Le NG n'a pas baissé (on est toujours au-delà des 85 ou 105 mm maximum des têtes zoom), mais le sujet plus proche (environ 7 ou 8m) a permis d'éclaircir l'ombre de manière plus homogène, et l'éclair de flash reste invisible. Sans filtre, j'aurais été plus hors de portée, avec là non seulement le visage mais l'ensemble du pilote sombres.

Ces astuces peuvent même fonctionner avec le flash intégré : la perte de 2 IL d'un filtre permet de monter en ISO ou d'augmenter l'ouverture tout en restant "coincé" à la vitesse de synchro-flash, avec une augmentation de la portée pratique. En revanche, baisser la vitesse de 2 IL sans toucher aux autres paramètres ne servirait à rien dans ce cas : sous la vitesse de synchro-X, la portée du flash et sa visibilité ne sont plus affectés par la vitesse.

J'ai pris le polarisant pour cette démonstration car il est beaucoup plus présent dans les sacs photo que le ND gris neutre, mais ce n'est pas la solution la plus logique (gestion de l'effet de polarisation). Si vous êtes un habitué des courses cyclistes, rallyes moto ou auto, et autres sports plus ou moins motorisés avec des contre-jours fréquents, l'investissement dans un filtre gris neutre générant une perte de luminosité plus importante vous permettra non seulement d'augmenter d'autant la portée du flash en fill-in, mais aussi de réaliser des filés dans de meilleures conditions.

Par contre, la nécessité d'utiliser des vitesses relativement basses empêchera de figer parfaitement un mouvement très rapide au flash. Ce n'est pas gênant en macro ou la distance n'est pas un problème, cela peut le devenir dans les situations exposées ici. Si une légère esquisse de mouvement (comme sur la roue de la moto ci-dessus) rend la photo plus "vivante", cela peut devenir gênant sur des sujets plus rapides, difficiles à figer...

Réaliser des filés ? Figer des mouvements ? Ces points (pas si contradictoires) feront l'objet de prochains articles...

Commentaires   

# Grand merciJean-Michel 11-09-2009 10:51
Article passionnant et très pédagogique.
Je n'aurais pas pensé a utilisé un fitre NG dans ces circonstance. Je dois faire une série de photosportive dans 15jours dans des conditions proche de celles décrites ici et cet article va bcp me servir.
Un grand grand merci !
# gaston74 11-09-2009 14:51
Super et d'actualité pour ma part : j'ai été bloqué sur cette question lors d'un reportage samedi dernier et ... voilà justement des réponses claires et pratiques.
Je voudrais juste ajouter, concernant nos boitiers stabilisés, que cette dernière fonction fait perdre 1/3 de vitesse de la syncro lente, dans des conditions ou généralement elle n'est pas nécessaire (sauf très longue focale) et peut faire parti des réglages pour parvenir au débouchage par forte luminosité.
Encore bravo à alphanum, longue vie et, avec quelques jours de retard, bon anniversaire.
# Julien 12-09-2009 02:26
Concernant la vitesse de synchro-X avec ou sans stab, c'est vrai que j'y fais allusion sans clairement énoncer...

Donc :

-A100, 200, 230, 300, 330, 350, 380, 500 et 550 : synchro-x à 1/125è avec stab, 1/160è sans.

-A700, A850 et A900 : 1/200è avec stab, 1/250è sans.

Merci Gaston ! :D

Sinon, je tiens à rappeler que comme en situation normale, les portées calculées selon la méthode du NG restent théoriques, et peuvent varier fortement selon les circonstances. En ajoutant de plus un filtre, quel qu'il soit, on ajoute une variable, avec donc une dispersion supplémentaire.
On améliore la portée, néanmoins ce n'est pas un décamètre qui vous donnera la distance utile, mais bel et bien l'examen des photos ;-)

Reste qu'un gain tel que celui obtenu en sortant de la HSS grâce à un filtre est vraiment significatif, et donc beaucoup moins dépendant des circonstances et automatismes, cela reste le but à viser :D
# Mike 15-09-2009 02:04
Merci pour cet article très instructif. En revanche il y a un point que je ne saisis pas tout à fait au niveau des calculs, qui s'illustre notamment dans cette phrase : "En montant le polarisant on arrive à 1/125 (-2 IL), ce qui permet dans notre cas de sortir de la synchro haute vitesse et donc de récupérer la totalité de la puissance du flash, avec une portée de 14 mètres (56/4)."
J'aurais cru qu'il faille tenir compte de la perte de 2 IL due au filtre, ce qui donnerait 56/8 = 7m (ce qui représente une amélioration conséquente tout de même par rapport aux 4m de départ).
En tout cas, excellent article !
# Julien 15-09-2009 20:03
Comme j'essaie de le présenter dans l'article, la portée pratique dans le cas cité se révèle supérieure aux 7m théoriques (avec lesquels je suis d'accord), effectivement sans atteindre à coup sûr les 14. J'ai certainement eu le raccourci un peu rapide, l'idée de départ est que l'on peut espérer une portée pratique entre 7 et 14m...

Je modifie ce point pour plus de clarté, merci de votre lecture !
# domi 09-05-2010 20:49
Bonjour et merci pour cette bible.

Cependant il y a un truc qui m'échappe:

"En pratique, on peut quasiment doubler la portée : l'arrière-plan sera surexposé, et le premier plan théoriquement hors de portée du flash recevra quand même un éclairage, mais insuffisant. "

Comment est ce possible ? il y a t 'il une coquille qui aurai inversé avant et arriere plan ?
# Julien 09-05-2010 21:17
Prise seule, la phrase est effectivement sybilline...
Toutefois, c'est bien l'explication qui correspond dans le contexte : on va surexposer l'ensemble de la photo pour gagner en portée du flash (augmentation du NG par diminution de vitesse ou augmentation de sensibilité/ouverture).

Ainsi, le premier plan à contre-jour sous-exposé au départ recevra un débouchage partiel et léger, permettant de diminuer cette sous-exposition.
Cela revient à diminuer le contraste global de l'image...

On récupèrera la surex de l'arrière-plan en post-traitement, et un réglage local permettra de conserver la luminosité du premier plan. C'est faisable aussi sans flash, mais la marge de manoeuvre est beaucoup moins importante, et cela peut même être impossible en cas de fort contre-jour.

Gymnastique difficile à appliquer au départ, mais qui correspond en fait à ce qu'on fait en fill-in en faible lumière : on joue sur l'exposition de l'arrière-plan et on compte sur l'automatisme du flash pour éclairer au mieux le premier plan.
# domi 09-05-2010 21:47
Merci pour la précision que je vais m'empresser de tacher de comprendre.

Merci encore
# domi 09-05-2010 23:37
"monter un filtrefait réduire le NG et donc la portée dans la même proportion que ce qu'on perd en ouverture. L'ouverture résultante (dénommée T ) remplace l'ouverture réelle de l'objectif (nommée f/), et montre un gain nul."

:shock: C'est bien l'ouverture choisie sur le boitier qui détermine le NG non ?. Si je laisse la même ouverture en mettant un filtre, certes il y aura moins de lumiere sur le capteur (que je compense en diminuant la vitesse) mais le flash n'en saura rien pourquoi il ne garderai le NG fixé par l'ouverture ?
# Julien 10-05-2010 20:41
La aussi, finesse...
C'est une des bases que cette règle : le NG diminue en montant un filtre. A puissance développée par le flash égale.
En pratique, il s'avère pourtant qu'après compensation de l'exposition on arrive a un debouchage partiel hors de la portée théorique.
Peut-être par augmentation effective de la puissance fournie par le flash s'il n'est pas en manuel, ou par la modification du ratio ambiance/flash.
En fait la baisse du NG n'est pas "décidée" par le flash, mais bien conséquence de la moindre quantité de lumière entrant...

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