Le fill-in au flash
Le « fill-in » au flash, terme générique parfois obscur, désigne une technique précise : mêler la lumière disponible et la lumière fournie par le flash de manière peu visible, de manière à compenser une luminosité un peu faible ou un contraste trop violent entre le sujet et l'arrière-plan avec un résultat naturel.
Cette technique permet d'éclairer convenablement un sujet sur un fond sombre qui nécessiterait autrement un temps d'exposition trop long, ou de "déboucher" un visage à contre-jour.
Les automatismes TTL et ADI présents sur nos reflex rendent aisée la mise en oeuvre de cette technique, beaucoup plus compliquée à l'époque des flashes manuels ; nous allons donc voir comment tirer profit de l'électronique embarquée de nos appareils pour réussir de belles photos au flash, en oubliant les tristes portraits de lapins albinos pris dans les phares que nous offrent nos flashes automatiques lorsqu'on les laisse décider pour nous des réglages à adopter...
1/ Le fill-in en faible lumière
Fondamentalement, le principe de base va être d'obtenir un réglage de vitesse permettant une utilisation à main levée, en sous-exposant le moins possible l'arrière-plan et en évitant l'éclair de flash trop visible au premier plan provoquant le fameux "fromage blanc" (visage blanc surexposé sur fond noir !).
Pour maîtriser cette technique, un minimum de théorie est indispensable afin de pouvoir adapter sa technique aux circonstances en faible lumière. Tout d’abord, il faut savoir que l’automatisme TTL ou ADI permettant l’exposition au flash ainsi que le posemètre du reflex fonctionnent dans tous les modes, même en « M », ce dont nous allons tirer parti. D'autre part, il faut savoir que l’ouverture et la sensibilité ISO jouent sur l’exposition globale et la portée du flash, alors que la vitesse n’intervient que sur l’exposition de l’arrière-plan, dans la limite de la vitesse de synchro-X.
Passons d'abord en revue le fonctionnement du boîtier au flash dans les différents modes :
2.1/ Fonctionnement en modes automatiques
-mode "Auto" vert : le boîtier va choisir la vitesse d'exposition avec pour priorité d'éviter un flou de bougé, selon la focale et la luminosité de la scène. Par exemple, la vitesse sera de 1/80è avec une focale de 50mm, avec pour conséquence une sous-exposition énorme de l'arrière-plan par rapport à l'expo flash du premier plan.
-Mode « portrait de nuit » avec flash : on se rend vite compte que le trépied est indispensable en raison des temps de pose utilisés, jusqu’à plusieurs secondes. Le mode d'emploi du reflex conseille d'ailleurs fortement l'emploi d'un trépied dans ce mode, ainsi que l'immobilité des sujets...
-touche AEL : flash sorti, cette touche force le boîtier à passer en mode "synchro lente", c'est à dire à sous-exposer légèrement l'arrière-plan et faire se détacher le sujet principal au flash. Intéressant car c'est le fonctionnement que nous recherchons. Seulement, là aussi, les automatismes du boîtier font que l'on peut se retrouver avec des vitesses inadaptées au déplacement du sujet ou nécessitant l'emploi d'un trépied.
2.2/ Fonctionnement en modes semi-automatiques
-mode P: le boîtier choisit un couple ouverture/vitesse pour exposer à 0. Ce couple est décalable à volonté via les molettes, mais interdit de choisir des paramètres fixes selon ses impératifs (vitesse d'obturation ou ouverture) car le boîtier les décale automatiquement à chaque variation de luminosité.
-mode A: on peut choisir l’ouverture la plus grande (mettons f/2.8), et le boîtier choisit la vitesse pour avoir une exposition à 0 . Problème : la vitesse peut là aussi dépasser la seconde, et quand on active le flash la vitesse devient au contraire très rapide (typiquement 1/80è ou 1/125è). C’est un automatisme du boîtier, lié à la focale utilisée, afin d'éviter le flou de bougé avec pour conséquence le fameux "fromage blanc" ...
-Mode S: on peut choisir une vitesse que l’on sait adaptée, la plus basse possible selon la focale et les mouvements du sujet, afin d'éviter le flou de bougé. Malheureusement, là aussi le boîtier cherche à exposer à 0, et souvent ne peut pas ouvrir assez le diaphragme, entraînant une sous-exposition. Si le flash est enclenché, le diaphragme choisi par le boîtier pourra être très fermé, entraînant là aussi un arrière-plan tout noir par diminution de la portée du flash.
En fait, les modes auto et semi-auto restent utilisables en fill-in, mais à la condition d'une luminosité très stable et pas trop faible; compenser des variations de luminosité dans les modes semi-autos est possible, mais en intervenant sur la sensibilité et la correction d'exposition, et en vérifiant à chaque fois la validité des nouveaux réglages... Faisable mais compliqué et peu réactif!
De plus les corrections automatiques incessantes d'exposition lorsqu'on modifie le cadrage ou la focale font que l'arrière-plan n'a jamais le même aspect sur une série de photos, tantôt surexposé, tantôt sous-exposé, alors que la luminosité d'ensemble n'a pas varié...
3/ Solution envisageable
Le mode M permet de choisir manuellement vitesse et ouverture, et le posemètre du boîtier indique si l’exposition est correcte (échelle dans le viseur ou sur l’écran). Nous l’avons vu, dans ce mode, le flash est capable de compenser une sous-exposition liée au couple vitesse/diaphragme pour exposer à 0.
Donc nous pouvons utiliser la méthode suivante :
-Choisir la sensibilité ISO maximale selon la qualité voulue ; cette sensibilité est variable selon les boîtiers et les exigences, et parfois à dépasser si nécessaire : mieux vaut un peu de bruit que des photos floues !
-Utiliser la plus grande ouverture possible selon la profondeur de champ souhaitée (ceci pour gagner le plus possible en vitesse d'obturation).
-Choisir une vitesse permettant d’éviter le flou de bougé selon la focale (en tenant compte de la stabilisation) et la vitesse de déplacement du sujet.
-Vérifier que l’on obtient une sous-ex entre -0.3 et -2 EV, pour que le flash puisse compenser sans devenir la source principale trop visible. Si l'on est vraiment trop en sous-exposition, il faudra sacrifier sur la profondeur de champ (augmenter l'ouverture) ou sur la granulation (monter en ISO) ; baisser la vitesse augmente les risques de flou de bougé. En pratique, en intérieur peu éclairé, on peut être à 400 iso, f/2.8 et 1/30è, avec une sous-ex entre -0.3 et -1 EV. Jusqu’à 50-70mm de focale, si on photographie des personnes qui ne bougent pas trop vite, on arrive à obtenir des photos parfaitement nettes avec un arrière-plan parfaitement visible : on a l’ambiance en plus ! Pour gagner en profondeur de champ on peut décaler à f/4 et 800 ISO : l'exposition de l'arrière-plan sera identique, la vitesse aussi, seule la granulation augmentera (notez quand même qu'en APS-C pour un portrait large en intérieur la profondeur de champ à f/2.8 est souvent suffisante)...
Cette technique permet en plus, alors que l’on utilise le mode M, de compenser automatiquement les variations de luminosité : en cas de baisse de lumière d'ensemble l’éclair sera plus puissant et l’arrière-plan un peu moins visible, mais la photo toujours nette et bien exposée.
En résumé c’est simple : choisissez pour commencer le couple sensibilité / ouverture maxi que vous voulez, une vitesse adaptée aux mouvements du sujet et à la focale et laissez travailler le flash pour ajuster l’exposition !
Notez l'intérêt de disposer de la stabilisation : chaque vitesse gagnée permet d'augmenter d'autant la vitesse d'obturation (moins de flou de bougé) ou de baisser d'autant la sensibilité (moins de granulation) ; ceci couplé à un objectif lumineux ouvre beaucoup de possibilités...
4/ Pour aller plus loin
On peut avec de la pratique affiner cette technique, par exemple en appliquant une légère sous-exposition à l’éclair de flash pour limiter encore sa visibilité, fermer un peu le diaphragme si nécessaire pour augmenter la PDC, ou encore varier la vitesse selon les circonstances pour gagner en stabilité… D’ailleurs je conseille aux possesseurs d’un reflex à une seule molette d’y laisser en accès direct la vitesse afin de pouvoir réagir rapidement à ce niveau (pensez à vérifier régulièrement dans le viseur qu’un changement de luminosité ne vous met pas en sur-ex, ou sous-ex trop marquée ! Néanmoins, la compensation sur 2EV laisse de la marge).
L’emploi d’un réflecteur ou d’un diffuseur améliore aussi très nettement les résultats. D’autre part, si l’usage du flash intégré est possible pour cette technique, la puissance et les caractéristiques d’un flash cobra sont précieux pour éviter faible portée et yeux rouges… Accessoirement, comme en intérieur les BDB sont souvent difficiles (ampoules + lampadaire halogène + petite lampe colorée par exemple), mettre un éclair de flash sur le sujet permet d’avoir une BDB constante sur l’élément principal. Notez qu’en cas de mélange flash/lumières artificielles, le mode balance des blancs auto d'un reflex n’est pas si mal, l’idéal restant le RAW pour affiner à l’écran…
5/ Exemples
Voici 2 photos, la première prise en mode "Auto", la deuxième en mode M. Je précise qu'à l'oeil nu la lumière, uniquement fournie par la lampe, présente une forte dominante rouge-orangée, et les deux peluches sont à contre-jour.
-sans fill-in : l'éclair de flash est visible, les reliefs et contrastes des peluches sont écrasés, les ombres très marquées ; l'arrière-plan est sous-exposé et "triste" ; l'ambiance a disparu...
45mm - f/5 - 1/60s - 400iso - BDB auto
-Avec fill-in, flash cobra + réflecteur : la luminosité de la lampe est plus importante, l’ambiance de la scène est préservée, l'éclair peu visible. La vitesse d’obturation est toujours compatible avec une utilisation à main levée grâce à la stabilisation :
45mm - f/2.8 -1/13s - 400iso - BDB auto (expo à -1EV calculée par le boitier, compensée automatiquement au flash)
Nous l'avons vu, le principe d'une légère sous-exposition de l'arrière-plan associé à un léger éclair de flash au premier plan donne un résultat plus doux et naturel. Finalement, seul le mode M (pourtant le plus contraignant en photo classique) permet de bénéficier d'une association automatismes / contrôle du résultat de manière souple et rapide. On évite ainsi de se "battre" contre les automatismes du boîtier et on limite les interventions sur les réglages au bénéfice de la réactivité.
Par ailleurs, l'utilisation du mode M améliore l'homogénéité de la série de photos : la profondeur de champ et les arrière-plans auront une apparence similaire alors que les "surprises" des modes semi-auto conduisent de temps en temps à la disparition des arrière-plans.
Même si la luminosité remonte ponctuellement et permettrait de photographier sans flash, le très léger éclair de flash subsistant permettra à la balance des blancs de ne pas être modifiée par la disparition du flash, ici aussi au bénéfice de l'homogénéité.
L'intérêt de la stabilisation et de hauts isos peu bruités est dans ce cadre flagrant, l'association des deux permettant de gagner plusieurs crans d'exposition. Sans stabilisation, la photo au-dessus aurait dû être prise à 1600 ISO au détriment de la granulation, ou à f/1.4, nécessitant un coûteux objectif à focale fixe ultra-lumineux réduisant la PDC à néant...
6/ Le fill-in en haute lumière
Ici, nous allons nous servir de cette technique (mélange lumière naturelle - éclair de flash) typiquement pour éclaircir ("déboucher" dans le jargon) un visage à contre-jour. Dans ce cas de figure, il faut normalement choisir entre arrière-plan trop clair ou visage trop sombre. Ici l'éclair de flash diminuera le contraste entre visage et arrière-plan, permettant ainsi au capteur de saisir l'ensemble du contraste de la scène.
Notez que les compacts et bridges utilisant une technique d'obturation différente, leur flash intégré fonctionne à toutes les vitesses, ce qui est ici un avantage. Néanmoins leur faible puissance constitue aussi un obstacle, avec au final une portée finalement pas supérieure à celle obtenue avec un flash de reflex en HSS...
La photo ci-dessous montre l'intérêt de cette technique : ici la difficulté n'était pas dans le contre-jour mais dans le contraste de la scène. Les deux visages auraient été très sombres sans flash, car même à l'ombre le boîtier les a sous-exposés à cause de la forte proportion de blanc. Un décalage d'exposition pour éclaircir les visages aurait complètement "cramé" la neige à l'arrière-plan et rendu encore plus pâles les éléments sombres de la photo. On voit que l'usage du flash a permis de remonter discrètement la luminosité des visages pour qu'ils deviennent visibles, sans dénaturer l'arrière-plan : une photo très délicate promise à l'effacement est sauvée...
7/ Conclusion
Nous l'avons vu, passée une première prise en main et après avoir fait l'effort de se lancer dans le mode M, le fill-in au flash est une technique finalement pas si compliquée, qui donne des résultats probants (du moins de meilleures photos) rapidement, et qui a en plus le mérite de nous pousser à mieux comprendre et maîtriser le fonctionnement de notre reflex...
Enfin, cette technique s'applique à merveille aux objectifs à faible luminosité : les utilisateurs de zoom d'entrée de gamme ont tous eu à choisir en intérieur entre vitesse trop lente sans flash et coup de flash trop visible qui gâche la photo... La prochaine fois que votre reflex annonce 1/10è de seconde sans flash, déployez le flash intégré et passez en mode M, a l'ouverture maximale et 1/30è : le résultat vous surprendra... Essayez !
Commentaires
Tu résumes et tu complètes très bien ce que tu m'avais expliqué au repas le mois dernier.
Je m'y suis essayé au mode M pdt les fêtes, et c'est vrai que le rendu est vraiment plus naturel. Par contre, c'est effectivement à utiliser sur des scènes relativement calmes et non pas quand les gens sautent partout parce qu'on vient de passer en 2009 !... :confused:
Maintenant, y'a plus qu'à s'entrainer !...
A+
Je n'ai pas encore d'objectifs très lumineux à fournir à mon a700 et j'utilisais cette fonction sans même le savoir, souvent, ha ha.
Merci encore, a toute l'équipe de Alpha-numérique
Par contre tu dis que le flash intégré des reflex alpha permet la synchro haute vitesse ce qui est inexact.
C'est 1/250ème au maximum (sur A700).
Mais le système est aussi applicable avec des vitesses plus rapides: si avec une vitesse de 1/50è sans flash on a du flou, rien n'empêche de passer à 1/100è sur le même principe! Toutefois, pas de miracle à part les très hauts ISO en cas de très faible luminosité et de mouvements rapides...
Petite question: tu ne cites pas l'option de flash "synchro lente" dans les modes auto/semi auto. Quelle est la différence avec les réglages en mode M que tu proposes?
Question subsidiaire: si comme je le comprends l'option synchro lente entraine une mesure d'exposition sur l'arrière plan (et les réglages d'exposition auto en conséquence), pourquoi cette option est-elle disponible en mode M (en tout cas sur mon alpha 55)?
Merci pour tes lumières (flash)...
Par contre je ne sais pas comment la synchro lente est activée sur l'Alpha 55, ni ce qu'elle donne en mode M. Sur les A100 et 850, l'appui sur la touche AEL ne fait passer en synchro lente que flash sorti en modes autos ou semi-auto, mais elle sert aussi à figer la mesure d'exposition, on peut d'ailleurs la configurer en spot ou multizone.
Certains photographes utilisent la mesure spot en mode M pour "piquer" l'exposition dans les hautes puis basses lumières de la scène, afin d'avoir un ordre d'idée de la dynamique et de la juste exposition sans tâtonner. A l'appui sur cette touche on voit l'échelle d'exposition se décaler dans le viseur, indiquant ainsi le décalage entre l'expo choisie en M et le réglage "idéal" déterminé par le boîtier sur le point visé en mesure spot.
Essayez de vérifier si l'appui sur cette touche en mode M sur l'A55 modifie les paramètres de prise de vue (ouverture/vitesse/sensibilité ) ou si ça décale "normalement" l'échelle d'indication d'exposition dans le viseur, comme sur tout reflex "classique", ça m'intéresse :wink:
possesseur d'un A77 et depuis hier d'un HLV-F56AM, j'aimerai essayer cette technique.
mais pouvez m'expliquer ce qu'est le posemetre du boitier ?
"le posemètre du boîtier indique si l’exposition est correcte (échelle dans le viseur ou sur l’écran)."
merci
Le boîtier propose dans tous les modes une "échelle" graduée de -2 à +2 (en général) permettant de régler le correcteur d'exposition.
En mode M, cette échelle graphique ne sert plus à régler la correction d'exposition (puisque l'expo n'est plus décidée par le boîtier), mais affiche la différence entre l'exposition que l'utilisateur a réglé et celle que le boîtier aurait appliqué à sa place.
L'échelle fonctionne donc en posemètre, indiquant non pas une correction mais l'écart entre exposition manuelle et celle recommandée, comme sur d'anciens boîtiers "semi-automatiques".
Dans le cas qui nous intéresse, si l'échelle affiche -0,7, cela veut dire que le boîtier a décidé qu'il manque 0,7 IL pour que la photo soit bien exposée. Pour simplifier, il ajoutera un coup de flash pour corriger ce manque, coup de flash très léger donc.
je viens d'acquérir un Sony HVL-F60M pour mon A 77. J'essaie de glaner des infos pour l'utiliser de façon efficace sans perdre trop de temps à faire des tests, mais c'est compliqué car il y en a un peu partout et la synthèse est difficile !
Y a-t-il un bouquin sur les techniques d'utilisation des flash ?
Merci de votre aide...
DB
Tout d'abord bravo et merci de toutes ces explications très instructives.
Quel mode de mesure lumière avez-vous utilisé sur vos 3 photos publiées (extérieure nuit, peluche intérieur nuit et extérieur neige), mesure évaluative ? sélective ? Spot ? pondérée central ?
Dans le cas des 3 dernières mesures énoncées, à quel endroit avez-vous fait les mesure : Sur les sujets au 1er plan ? Sur l'arrière plan ?
Sur la photo de la peluche, comment avez vous orienté votre flash cobra : Directement vers le sujet ? Vers le plafond ?
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