Déc
17
2010
Le matériel photographique traverse une période de profonde mutation. L'offre qui, il y a deux ans, se limitait encore aux compacts, aux bridges et aux reflex, s'est étendue à des concepts hybrides très variés, au point qu'il devient difficile de s'y retrouver lorsqu'on ne suit pas l'actualité du matériel en continu.
Les téléphones mobiles étant quasiment tous dotés d'appareils photo, on peut dire en première approximation que la population entière est en situation de montée en gamme, même s'il ne s'agit d'acheter qu'un compact basique. On ne s'intéresse toutefois ici qu'aux montées en gammes vers un matériel avancé.
Olympus, Panasonic, Samsung et Sony ont chacun proposé plusieurs modèles d'appareils hybrides. Certains comme le NEX ou l'E-PL1 ont un format très compact, d'autres comme le GH2 sont beaucoup plus proches des bridges en termes d'encombrement. Leur succès a pour le moment été divers. Certains ont su trouver un large public, notamment le NEX, d'autres n'ont eu qu'un succès d'estime, mais une brèche s'est clairement ouverte dans le monolithe des appareils avancés. Les deux manufacturiers qui dominent actuellement les segments reflex n'ont pas encore fait leur entrée dans ce nouvel univers, mais il serait surprenant qu'ils abandonnent à leurs concurrents un marché en si forte progression.
Les progrès des capteurs ont été fulgurants ces dernières années, à tous points de vue : dynamique, colorimétrie, gestion du bruit et, plus globalement, utilisabilité accrue dans toutes les conditions de prise de vue. Si tous les types de capteurs en ont bénéficié, les grands capteurs conservent un avantage considérable sur ceux des compacts et de bridges, beaucoup plus petits.
Reflex, hybrides, compacts experts : comment faire le bon choix ? (1ère partie)

Que ce soit en commentaires sur Alphanum ou sur certains forums dont nous suivons les débats, les questions liées à la difficulté de faire un choix sont de plus en plus prégnantes. Bien difficile d'y répondre en quelques lignes : il est plus que jamais important de comprendre ce qui différencie les différents concepts d'appareils, puis d'en repérer les caractéristiques et les spécificités pertinentes pour une pratique photographique et un budget donnés.
Si le Net regorge d'informations, elles sont éparses et de qualité variable. Votre quête du Graal pourrait bien se transformer en parcours du combattant car différencier l'essentiel de l'accessoire est un vrai challenge. Il faut dire que les dernières générations d'appareils sont bardés de tellement de fonctionnalités que celles-ci finissent par diluer ce qui fonde le bon appareil photographique : la qualité d'image, la mesure d'exposition et l'autofocus. Les qualités ergonomiques sont également importantes, mais pas aussi décisives dans la mesure où elles impactent surtout le confort (et le plaisir) d'utilisation et non le résultat final.
S'agissant des appareils hybrides, le succès des NEX et le fait que les deux manufacturiers majoritaires en reflex n'en proposent pas ont généré quelques rejets de principe (qui prennent parfois des formes grossièrement agressives sur le Net). Ces appareils ont, toutefois, le plus souvent été bien accueillis par la critique, l'Alpha 55 ayant par exemple obtenu un Gold Award de dpreview, qui n'en distribue pas facilement.
Dans cet article en deux parties, partiellement issu de l'une des conférences que j'ai données dans le cadre de l'Agora du Net au Salon de la Photo, je vous propose un tour d'horizon de l'existant afin de vous aider dans le choix du matériel qui vous correspond le mieux.
Etat des lieux du marché de la photo

Il est bien difficile d'établir une classification satisfaisante du vaste choix d'appareils que proposent les constructeurs de toutes marques. Nous avons choisi dans cet article de ne considérer que les types de matériels accessibles au le plus grand nombre, en rangeant dans une catégorie "autres" les appareils à diffusion anecdotique comme les télémétriques numériques ou les moyens formats, qui ne concernent qu'une frange infime de la population des photographes.
La catégorie des compacts comporte elle-même une grande variété de déclinaisons. Ils ont pour point commun essentiel, outre leur compacité, un capteur de petite dimension. C'est donc aussi le cas des compacts dits "experts", les seuls que nous considérons par la suite. Les photophones, ces téléphones portables embarquant des appareils photo, ne seront pas évoqués.
Nous sommes donc en face de quatre grandes catégories :
• les compacts, parmi lesquels plusieurs modèles experts
• les bridges, qui sont en pratique des compacts de plus grand gabarit dotés d'une visée électronique
• les hybrides, catégorie protéiforme en forte croissance, dont la caractéristique commune est de disposer d'un capteur grand format
• les reflex classiques
Lorsqu'un photographe, ou futur photographe, envisage d'investir dans un appareil, il consulte souvent la presse spécialisée, papier ou sur Internet. S'il ne possède ni idée précise de ce qu'il recherche, ni connaissance a priori des types de matériels disponibles, il pourra avoir une idée très déformée de la réalité du marché de la photo. Sur le double graphe ci-dessous, j'ai dessiné à gauche une représentation du marché des appareils photo proportionnelle au niveau de couverture médiatique dont bénéficie chaque catégorie. A droite, une représentation proportionnelle aux nombre d'appareils réellement vendus :

Alors que les compacts représentent globalement plus de 80% des ventes, ils sont réduits à la portion congrue dans les médias spécialisés. Les compacts experts bénéficient toutefois d'un niveau de couverture beaucoup plus important que leur niveau de diffusion réelle, qui est faible. On pourrait presque caricaturer cette distorsion en affirmant que plus un appareil est vendu, moins on en parle...
La réalité est tout de même un peu plus complexe, et se comprend quand on creuse un peu le sujet. Le lectorat des médias spécialisés n'est pas représentatif de l'ensemble des photographes. Plus on a une pratique photographique avancée, plus on consulte les magazines et les sites spécialisés. Les médias eux-même sont réalisés par des professionnels, ou a minima par des experts en photographie. Tout cela concourt à cette distorsion quantitative entre la couverture médiatique et la réalité du marché. Il faut tout de même convenir qu'il y a beaucoup plus de choses à dire et écrire sur un appareil reflex professionnel que sur un compact d'entrée de gamme, ce qui légitime une part au moins de ladite distorsion.
Les processus de montée en gamme

Quand un photographe à envie d'évoluer vers un matériel plus ambitieux, plusieurs facteurs peuvent freiner son élan. Les principaux sont le budget et le gabarit du matériel expert, auxquels s'ajoute un paramètre moins facilement quantifiable : l'idée qu'un reflex est trop compliqué et s'adresse à un public expert. Même en ayant déjà une pratique avancée, notre photographe pourra considérer qu'il ne sera pas à la hauteur et que ce type d'appareil n'est pas pour lui.
Les manufacturiers ont fait depuis quelques années un gros effort sur le prix des reflex d'entrée de gamme. Pour moins de 600€, il est possible d'avoir un appareil de très bon niveau, comme le Nikon D3100, le Pentax K-r ou le Sony Alpha 450. Malgré cela, le nombre de passages du compact au reflex est bien moindre que ce qu'il pourrait (ou devrait) être.
C'est probablement sur la base de ce constat que sont nés les hybrides, pensés comme des objets performants mais simples d'emploi, et débarrassés de la symbolique qui pèse sur les reflex.
Ces hybrides sont très divers, et n'ont au final qu'une seule caractéristique majeure commune : ils disposent d'un capteur grand format, comme ceux qui équipent les reflex. Ils offrent de ce fait une haute qualité d'image, sans comparaison avec celle des compacts et des bridges (même experts).

Ces hybrides constituent ainsi une nouvel échelon pour une montée en gamme, beaucoup moins inhibant. Pour une partie de leur public, ils pourront servir de tremplin vers les reflex, pendant que l'autre partie saura s'en satisfaire. Effet moins attendu : on assiste à une (petite) vague d'abandon des reflex en faveur de ces solutions qui sont qualitatives, moins coûteuses et moins encombrantes.
Difficile de prédire l'avenir à long terme des hybrides, mais leur décollage en 2010 laisse augurer une installation durable dans le paysage photographique.
Les éléments clés de différentiation
Si l'on revient aux fondamentaux de la photographie, un bon appareil doit avant tout produire de bonnes images, dans toutes les situations d'éclairage. Les deux premiers éléments clés de différenciation sont donc clairement le capteur, puis le bloc optique.

On voit sur l'image ci-contre un capteur au format APS-C à côté d'un capteur classique de compact. Un capteur de reflex plein format 24x36 est encore 1,5 fois plus grand sur chacun des axes, pour une surface plus de 2 fois plus grande.
Cette considérable différence de taille a une double conséquence : d'une part la profondeur de champ quasi infinie induite par les capteurs de petite dimension réduit fortement le potentiel créatif des appareils qui les embarquent, d'autre part leurs photosites sont beaucoup plus petits, ce qui se traduit par une moins bonne qualité de capture du signal lumineux.
Au final, il y a une distinction très nette en terme de qualité d'image et de potentiel créatif : les compacts et les bridges d'un côté, les reflex et les hybrides de l'autre.
Les optiques ont progressé, mais de façon moins spectaculaire. Qui plus est, en visualisation normale sur écran ou en tirage inférieur à A4, il est bien difficile de distinguer une bonne optique d'une excellente. L'étendue de la gamme optique disponible pour les appareils à objectifs interchangeable reste cependant un critère déterminant pour certaines pratiques qui exigent un matériel spécifique, mais elle ne doit pas peser plus que de raison. Inutile par exemple de choisir une marque parce qu'elle possède certains objectifs de rêve qu'on n'achètera jamais, ou parce qu'elle est utilisée par des pros de renom. Il faut également tenir compte des opticiens indépendants, notamment Tamron et Sigma, qui offrent un choix très varié, de plus en plus qualitatif et à un prix souvent très abordable.
Il existe d'autres éléments clés de type technique, au premier rang desquels on trouve la qualité de l'autofocus. Là encore, il faut mettre ce type de paramètres en face d'une pratique. Si vous faites essentiellement du portrait ou du paysage, la rapidité de l'autofocus est secondaire. En revanche, si vous faites de l'animalier ou de la photographie de sport, l'autofocus devient un élément déterminant de votre choix. Exit dans ce cas les compacts et les hybrides, à l'exception notable des Sony Alpha 33 et 55 (qui sont par ailleurs difficiles à classer, nous en reparlerons dans la seconde partie de cet article).
Il faut donc avoir conscience qu'il existe deux grand types de systèmes autofocus : par corrélation de phase (reflex classiques et Translucent) et par détection de contraste (hybrides, bridges et compacts). Si les premiers sont rapides, les autres sont beaucoup plus lents (voire très lents).
Enfin, vient la question de l'ergonomie. C'est un domaine où l'on entre dans le subjectif, et quiconque pense détenir des vérités sur cette question fait fausse route. Nul ne peut prétendre exprimer autre chose qu'un point de vue personnel.
La question de la visée déchaîne les passions. En réalité, ce déchaînement est le fait d'une minorité d'utilisateurs "historiques" qui ne jurent que par la visée optique. En face, il y a la majorité silencieuse des photographes qui ont grandi avec le numérique, ont appris la photo en visée arrière sur leurs compacts et s'en trouvent très bien. C'est donc d'abord une question générationnelle, comme peut l'être le rapport aux supports d'écriture, papier ou écran. Disposer d'un beau viseur optique est toutefois un grand plaisir, et reste important (voire indispensable) pour certaines pratiques photo (difficile d'imaginer shooter une pièce de théâtre ou une bestiole en vol en visée par écran). L'arrivée de viseurs électroniques sur des appareils à grand capteur a complexifié ce débat sur le mode de visée, en ne le réduisant plus au simple choix optique/Live View.
A chacun de déterminer ce qui lui convient, sans se laisser abuser par certaines affirmations péremptoires, qui peuvent aller jusqu'à défendre des viseurs étriqués et sombres pour le seul fait qu'ils sont optiques.
L'ergonomie générale de l'appareil (accès aux fonctions, menus, tenue en mains, etc.) est également un sujet de débats infinis. Mais là encore, il n'existe pas de vérité car une ergonomie simple qui plaira à certains sera jugée simpliste par d'autres. A l'inverse, un menu touffu ravira l'expert mais découragera le débutant, ou celui qui n'a aucune envie de potasser les 400 pages du manuel pour produire une photo correcte. Là encore, prenez les avis que vous lirez ici et là comme autant de témoignages personnels, même quand ils viennent de prescripteurs autoproclamés. Faites-les passer par le prisme de vos propres critères, et sachez renverser une critique si elle défend un point de vue sur une base contraire à celle qui vous conviendrait.
A suivre...
Commentaires
Je crois que son site va être banni de mon ordinateur.
Encore merci pour votre site et pour cette passion que vous nous transmettez à moi et à mon père.
Certains journalistes de revues photos devraient revoir leurs copies.
Félicitations pour votre site.
Merci
Clair, pertinent, objectif ...
Lire un professionnel qui n'a aucun parti pris est toujours un plaisir.
Une très bonne base de réflexion pour un néophyte qui voudrait se lancer dans l'un ou l'autre créneau !
L'ensemble était tellement long que j'ai préféré le scinder afin de ne pas effrayer les lecteurs... :wink:
Passionné de photo, j'avais tendance à surestimer le "potentiel photographique de neveux ou nièces ... et offrir des appareils photos peu adaptés. Aujourd'hui,après quelques constats d'échecs, instinctivement, mon raisonnement s'apparente (d'assez loin ...) à l'analyse de Patrick.
Alors, sans vergogne, je m'appuierai sur son boulot !
La question de la visée est complexe; Les vieux du reflex ne peuvent pas faire sans, ceux venant du compact ont parfois du mal avec. la première fois que j'ai utilisé un reflex numérique, j'ai imaginé qu'il était défectueux car l'image ne s'affichait pas pendant la visée. Aujourd'hui ma femme à toujours du mal avec la visée de mon reflex pour faire une photo. :confused:
Vivement la suite de l'article
Juste une remarque sur un détail qui a la vie dure, les "animaliers" et l'AF : merci de ne pas mettre tous les "animaliers" dans le même lot ! Je me considère plutôt comme un photographe orienté "animalier", puisque 90% de mes photos concernent des bestioles, et pourtant je n'utilise jamais l'AF ! Je trouve ça un peu, comment dire... réducteur. Les animaux ne se réduisent pas qu'aux piafs et aux chevreuils !
Mais j'arrête avec le hors sujet !
Très belles photos d'ailleurs, sur votre Flickr... Ca me rappelle qu'on envisage de créer une zone portfolio pour les photographes sonystes, sans savoir si cela pourrait les intéresser... :wink:
Vous savez la petite flamme qui fait qu'on achète encore parfois un Chasseur d'Images ou un Réponse Photo (ajoutez ici votre mag préféré), on se dit que du point de vue de l'actualité, on n'apprendra rien, du point vue technique pas grand chose, mais on garde l'espoir de lire un article de fond, argumenté sur un sujet. Bref un boulot de journaliste et non un agrégateur de nouvelles... Et puis... ben non. Rien. Et bien, voilà, maintenant, cette petite flamme, je la ressens lorsque mon update scanner (extension de firefox) me signale un nouvel article sur Alpha-num.
Voilà pour le compliment, un peu long, soit.
Pour les critiques, juste un point. À propos du A55. Il est présenté au début de l'article comme un hybride... du coup, je ne pigeai pas bien le sens de certaines phrases dans le corps du texte. Et puis vers la dernière moitié, voilà qu'ils (55 et 33) seront traités à part, et avec détails dans la seconde partie. Je pense que cet élement aurait du venir plus tôt pour mieux guider le lecteur.
Mais merci encore pour cet article.
GdB
Bah oui, pour l'Alpha 55, ça montre surtout la difficulté de le classer dans une catégorie alors qu'il est... ailleurs.
Je vais rejeter un oeil sur l'article pour le rendre cohérent.
Dans la seconde partie, j'ai fait une rubrique spéciale pour cet ovni... :wink:
Ca me rappelle qu'on envisage de créer une zone portfolio pour les photographes sonystes, sans savoir si cela pourrait les intéresser
Je trouve l'idée sympa
Ça risque de prendre un peu de temps, d'autant que j'ai un troisième bouquin en cours, un dossier à écrire pour Compétence Photo et des papiers pour Alphanum. Vive les vacances... :wink:
1ere partie tres interessante, meme si mon choix est deja fait (Nex-5D)
Je me demandais quand on pourrais esperer la suite ?
Felicitations pour votre site ainsi que votre livre sur le NEX (le manuel est si pauvre en info :cry:: )
La suite est prévue dans le courant de la semaine prochaine. J'ai hélas beaucoup plus d'articles à écrire que de temps à leur consacrer... J'entre dans une période critique avec un gros dossier à terminer pour Compétence Photo, et mon troisième bouquin à boucler... :confused:
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