Juil
07
2010
• Le traitement d’images non-destructif
Catalogage et flux de production, par Peter Krogh (le DAM book en français)
Le DAM Book de Peter Krogh, excellemment traduit en français par Gilles Théophile et Volker Gilbert, est un livre paradoxal. Impressionnante encyclopédie du catalogage, du flux de production (hors développement des RAW) et de la sauvegarde des données, il s'accompagne d'une mise en pratique par un photographe professionnel rompu à ces processus qu'il applique depuis des lustres. Si la lecture de ce gros livre est toujours passionnante, elle doit se faire avec un minimum d'esprit critique car les méthodes et les stratégies évoquées ne sont pas nécessairement adaptées à tous les usages ni à toutes les bourses, et certaines sont quelque peu obsolètes.
Il faut donc lire cet ouvrage comme une ouverture sur le vaste champ des possibles, augmentée d'un témoignage de premier ordre. L'auteur ne vous offre pas une "méthode en sept points" pré-mâchée, et compte sur votre intelligence pour extraire de cette somme considérable les éléments pertinents pour votre propre pratique photographique. Quels que soient votre niveau de connaissances, vos besoins et vos attentes, vous apprendrez énormément de choses dans cet ouvrage très structuré, qui peut se picorer chapitre par chapitre.
Je vous propose un aperçu du contenu de ce DAM Book.
Voici quelques commentaires suivant le fil du livre :
• La photographie numérique : un écosystème
Excellente introduction des problématiques générales liées à la photographie numérique. L'auteur insiste sur la rationalisation du flux de production et propose des règles pour une gestion saine et cohérente des données. Même si la toile de fond est souvent un usage professionnel, il y a tout à gagner pour un amateur à suivre ces conseils de rigueur.
• Le traitement d’images non-destructif
Si Peter krogh a exclu de son livre les techniques de développement des fichiers RAW, il en explique longuement les tenants et les aboutissants. C'est l'une des meilleures introductions au traitement non destructif des images que j'ai lues à ce jour, mais j'émets des réserves sur ce qui concerne la sauvegarde au format DNG, à laquelle je ne suis pas favorable.
• Les métadonnées
Les pros sont spécifiquement visés par ce chapitre car une bonne gestion des données IPTC et des mots-clés est pour eux absolument vitale. De ce fait, le sujet est traîté en profondeur et de manière assez remarquable. La mise en oeuvre de l'ensemble des recommandations de l'auteur n'est pas une mince entreprise, mais chacun y fera très utilement son marché en fonction de ses besoins.
Lorsque j'ai commencé la lecture du livre, il y a trois bons mois, j'ai été surpris par le choix de l'auteur de donner à Expression Média une telle place dans ses stratégies de catalogage car ce logiciel, anciennement iView Media Pro, a été racheté par Microsoft qui ne lui a guère accordé que quelques soins palliatifs. Son acquisition récente par Phase One, éditeur de l'excellent logiciel de développement Capture One, offre toutefois aux suggestions de Peter Krogh une nouvelle jeunesse, même si nul ne sait encore ce que Phase One entend faire d'Expression Media.
• La gestion des fichiers et des dossiers
Ce chapitre est sans doute celui qui m'a le moins convaincu, avec son système assez complexe de statuts pour les images (originales, fichiers de travail, fichiers dérivés, fichiers archivés, etc.). Idem pour le système de récipients qui m'a semblé un tantinet abscons. Peut-être tout cela est-il nécessaire quand on doit gérer un flux d'images très important, mais pour un usage classique on peut grandement simplifier ces processus.
Par ailleurs, l'auteur prône l'usage de disques optiques... Il est sans doute difficile pour un photographe qui catalogue et archive depuis de longues années des dizaines de milliers de clichés numériques de remettre en question la validité de certains choix datant d'une autre génération technologique (et c'est peu dire qu'elles s'enchaînent vite). La sauvegarde des données sur disques optiques, même s'agissant de Blu-Ray, n'a plus beaucoup de sens aujourd'hui étant donnés les volumes de stockage et le faible coût du Go de disque dur.
• Choisir ses périphériques de stockage
La présentation des périphériques de stockage est excellente, quasi encyclopédique sur les disques durs, le stockage en RAID et les solutions de sauvegarde. Même les pages sur les disques optiques sont intéressantes, c'est dire... ;-)
• Sauvegarder et valider ses données
L'auteur développe le sujet crucial de la sauvegarde des données. On pourra lui reprocher de trop s'appuyer sur son système de statuts des fichiers, trop complexe. Il faut là encore s'imprégner des principes édictés, excellents, sans se laisser submerger par la lourdeur de certaines illustrations pratiques. Ce chapitre fourmille de chose pertinentes, voire vitales pour la sécurité et la pérennité de vos données.
• Importer ses images
Pas sûr que l'importation des images mérite un chapitre aussi copieux, mais un certain niveau de paranoïa dans cette étape délicate du flux de données n'est pas inutile. A noter que la partie consacrée à Lightroom a pris un petit coup de vieux depuis la sortie de Lightroom 3, et nombre des réserves de l'auteur sont désormais de l'histoire ancienne, mais l'essentiel reste valide.
Peter Krogh est un adepte du renommage des fichiers, et de mon point de vue avec raison. S'appuyer sur le seul catalogage pour organiser ses fichiers revient à mettre tous ses oeufs dans le même panier, ce qui est passablement risqué en cas de défaillance du catalogage ou de changement radical de système de gestion de ses images.
• La gestion des fichiers de travail
Ce chapitre est largement basé sur le catalogage par Expression Média. Une belle démonstrations de l'efficacité de ce logiciel en matière de gestion d'images. S'il n'a pas évolué comme il l'aurait mérité ces dernières années, il conserve une belle efficacité.
Si la notion de fichiers de travail telle que la définit l'auteur est discutable, le flux de travail et la gestion des fichiers issus du développement des RAW sont traités de manière complète. Un chapitre susceptible de mettre en évidence beaucoup d'insuffisances dans la gestion de cette masse de fichiers disparates issus des diverses étapes de développement, d'exportation et de retouche des images. A noter également les pages sur l'épreuvage, sujet rarement abordé dans les ouvrages sur les techniques numériques.
• Le flux de travail avec Lightroom
Bien que basée sur la version 2 de Lightroom, cette présentation générale agrémentée de quelques focus sur des éléments clés du flux de travail est une bonne entrée en matière pour qui ne connaît pas encore le logiciel.
• Le flux de travail avec Bridge et Camera Raw
La CS5 n'a rien changé de fondamental au flux de travail avec Bridge et Camera Raw (hormis l'arrivée du mini-Bridge qui fluidifie encore plus la gestion des fichiers dans Photoshop). Si, au contraire de Lightroom, Bridge n'a pas été pensé pour les photographes, il propose dans un cadre ergonomique différent des fonctionnalités très proches. Une bonne présentation du flux de travail avec Bridge et Camera Raw, les deux compères de Photoshop.
• Stratégie de catalogage
Les stratégies de catalogage sont pour l'essentiel basées sur le logiciel Expression Média. Si le sujet est traité en profondeur et pose de manière précise les principes du catalogage, on aurait aimé trouver la même brillante démonstration avec Lightroom, qui a désormais pris une place majeure chez les photographes pour le catalogage et le développement de leurs images. Pour qui ne connaît pas encore Expression Média, c'est en revanche une excellente démonstration de l'étendue de ses fonctionnalités.
• Transfert des données
Ce chapitre aborde les questions de déplacement, conversion et transfert des fichiers. On pourra trouver une fois encore que l'auteur s'entoure d'un luxe de précautions et de vérification de la validité des données, mais peut-on vraiment en faire trop en la matière ? Pour ma part, j'ai eu des sueurs froides rétrospectives en lisant ce chapitre, qui m'a fait définitivement abandonner certaines procédures de manipulation de fichiers basées sur le principe que tout se passera bien parce que tout se passera bien...
Au final, même si l'ouvrage de Peter Krogh semble par moment un peu lourd et à la limite de la paranoïa, il est absolument remarquable en ceci qu'il aborde en profondeur toutes les problématiques du catalogage et du flux de production. En oubliant les quelques suggestions obsolètes et faisant passer cette colossale masse d'informations par le prisme de votre propre pratique, vous tirerez de ce livre beaucoup d'enseignements. Même pour une pratique amateur avec "seulement" quelques milliers d'images à gérer, ce livre vous convaincra à coup sûr de corriger certaines insuffisances de votre flux de travail et de la sauvegarde de vos données.
Le livre de Peter Krogh est imposant, assez cher et imparfait, mais il est essentiel et sans équivalent. Je le conseille vivement à tous les lecteurs !
En complément de cet article, je vous suggère d'écouter l'interview de Gilles Théophile par Benoît Marchal sur Déclencheur, et de lire la présentation du livre par Volker Gilbert sur questionsphoto.com.
Commentaires
Vous avez parfaitement le droit d'avoir une opinion aussi tranchée, mais faites nous donc savoir sur quels arguments elle se base pour que nous puissions en profiter.
Curieusement
Frédy
Merci.
La question qui reste en suspens pour moi est de savoir si Expression Média peut être un choix pertinent pour la gestion de mes images (j'approche dangereusement des 100.000 clichés, dont 70.000 RAW) ou si Lightroom peut définitivement suffire à mes besoins. Au prix d'Expression Média, offert actuellement avec Capture One, ça vaut la peine d'essayer, mais je ne sais pas si ça vaut l'investissement en temps (denrée hélas rarissime).
Si tu as une réponse, Volker, je suis preneur...
Pour l'amateur que je suis, même assez averti (je le dis moi-même!), ce bouquin me paraît a priori assez peu utile dès le moment où je déclenche environ 1600 fois par an pour ne sauvegarder que +/- 400 images en RAW (40 Mo), en Tiff 16 bits (maximum 140 Mo) et en Jpeg réduit (maximum 350 Ko).
Bien entendu, je nomme mes images et les classe dans des répertoires et sous-répertoires avec une logique qui m'est propre et me permet de m'y retrouver. Et je dispose de deux disques durs (dont un externe) d'un To chacun pour une sauvegarde en double.
Je m'interroge donc sur l'intérêt que j'aurais à changer ma pratique très basique du cataloguage et de l'archivage.
Est-ce que ce livre n'est pas un bon moyen de se compliquer l'existence ? C'est un peu l'impression que j'ai. Ou alors est-ce que je me méprends complètement ?
Merci de votre bonne attention.
Avec seulement 400 RAW par an, même un catalogage avec Lightroom peut sembler inutile, mais les années s'ajoutent très vites, Philippe. Ça vaut peut-être la peine de tenter le coup, pour voir, tout en conservant votre organisation physique actuelle.
Il faut en effet faire la part des choses et adapter les méthodes à chacune de nos pratiques.
Le catalogage avec une petite, moyenne ou grosse collection de photos est fort utile. De ce coté LR est effectivement très intuitif, mais les quelques astuces qui sont distillées dans le livre permettent de progresser, d'acquérir une connaissance sur le sujet, de se poser 5 minutes et de stimuler une prise de recul sur sa façon de faire, et d'être plus critique.
Libre à chacun après lecture, dans sa mise en œuvre pratique au quotidien de son flux de photo d'adopter telle ou telle technique.
Bravo Patrick pour l'article, et bravo aux traducteurs pour le boulot.
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