Fév
11
2014
Considérations sur la visualisation d'images à 100% sur écran
Cet article est un préalable au test complet du Sony Alpha 7R dont le premier opus - l'évaluation du bruit numérique en Jpeg et en Raw - sera mis en ligne cette semaine. J'ai choisi de le détacher en raison de son caractère aisément généralisable sur un sujet délicat : l'examen d'images en zoom 100% sur écran (souvent nommé pixel peeping).
Juger de la qualité d'une image en zoom 100% est un exercice difficile, qui l'est plus encore lorsqu'on a affaire à un boîtier comme l'Alpha 7R qui possède un capteur plein format de 36 Mpx. Pour afficher en totalité une photo d'Alpha 7R en zoom 100% (à une résolution classique de 96 ppp), il faudrait disposer d'un écran de 194x130 cm, ce qui correspond à une diagonale de 92 pouces ! Ce chiffre montre à lui seul à quel point une auscultation en zoom 100% est éloignée de la réalité des images sur leur support de destination, papier ou écran. Plus un capteur est défini, moins le zoom 100% donne d'information directement exploitable sur ce que l'on peut espérer obtenir : selon les dimensions du support de destination, un bruit très perceptible à 100% peut totalement disparaître lors du rééchantillonnage de l'image.
Existe-t-il une solution pour déduire d'un zoom 100% un enseignement fiable sur la qualité du rendu dans d'autres options d'affichage ? C'est ce que nous allons explorer.
Les résultats des mesures DxOMark de l'Alpha 7R sont intéressants à plusieurs titres. Je vous renvoie à l'article de décryptage de ces mesures pour l'interprétation des deux graphiques ci-dessous, donc je ne vais rappeler que l'essentiel.
Dans le graphique en mode Print ci-dessus, j'ai ajouté la ligne horizontale bleue qui correspond à ce que DxO Labs considère comme seuil de l'excellence (en l'occurrence 30 dB). Il est de 2746 ISO pour l'Alpha 7R (en Raw, bien sûr) pour un tirage A4 à 300 dpi. Ce graphique Print, qui affiche des mesures normalisées, est celui qui permet de comparer des boîtiers entre eux.
Le graphique en mode Screen (zoom 100%) n'est pas normalisé. On observe donc une chute du rapport signal/bruit d'autant plus important que la définition du capteur est grande. Le seuil d'excellence de 30 dB correspond cette fois à la sensibilité 610 ISO pour l'Alpha 7R. Cela signifie que si vous affichez une image en zoom 100% sur un écran de résolution 300 ppp (c'est-à-dire quasiment un Retina), elle sera excellente jusqu'à 610 ISO. Si DxO Labs avait choisi une résolution d'écran plus classique (entre 90 et 120 ppp), la chute du SNR aurait été encore plus grande sur ce graphique Screen dont la dénomination est finalement assez trompeuse. Mieux vaut considérer que ces deux graphiques indiquent le niveau du bruit à 300 dpi sur un 20x30 cm (Print) et à la taille nominale du capteur (Screen), soit 42x63 cm pour l'Alpha 7R.
Peut-on trouver une solution pour déduire d'un zoom 100% un enseignement pour toutes les autres options d'affichage ? La réponse est oui, grâce à la décroissance quasi linéaire du rapport signal/bruit, d'environ 3 dB à chaque doublement de la sensibilité. Ce chiffre est identique à celui de la croissance du bruit due à un doublement de la taille de l'image, telle que l'a évalué DxO Labs. En résumé, cela signifie que si vous doublez la taille d'impression ou de visualisation, vous augmentez de 1 IL le bruit perceptible (à une même distance d'observation). Pour prendre un exemple, la quantité de bruit sur un tirage A4 à 3200 ISO sera la même que celle d'un tirage A3 à 1600 ISO. Croissance du bruit et taille de l'image suivent donc la loi de réciprocité qui gouverne les paramètres de prise de vue (vitesse, ouverture et sensibilité).
On peut alors introduire les notions de rapport de sensibilité et de sensibilité équivalente pour chaque taille de tirage ou de visualisation d'une image, mais leur calcul n'est simple que dans un cas : la visualisation sur écran. Il suffit alors de diviser le nombre de pixels de l'image finale par celui de l'image initiale (36 Mpx dans le cas de l'Alpha 7R) pour obtenir le rapport de sensibilité. Imaginons que vous ayez un écran full-HD. La taille maximale d'une image au format 3:2 qu'il peut afficher est de 1618x1080 px, soit 1.75 Mpx. Le rapport de sensibilité est donc de 36/1.75=20.6 (ce qui correspond à 4.4 divisions par 2 de la taille de l'image, donc à 4.4 niveaux de sensibilité entre l'image en zoom 100% et l'image affichée en plein écran). Pour obtenir la sensibilité équivalente en zoom 100%, il suffit donc de diviser la sensibilité de la photo par 20.6. Si, par exemple, vous affichez en plein écran une image prise à 12800 ISO, celle-ci aura une qualité équivalente (du point de vue du bruit) à celle d'une image prise à 620 ISO affichée en zoom 100% !
L'affaire se complique quand on veut tirer des enseignements de zooms 100% en vue d'une impression sur papier, car on ne peut alors plus raisonner en pixels. Il faut faire les calculs avec les dimensions réelles de l'image sur l'écran de visualisation. Pour cela, il faut commencer par déterminer la résolution de l'écran (vous pouvez pour cela faire appel au calculateur que j'ai publié il y a un peu plus de deux ans), puis en déduire les dimensions de l'image. Prenons un exemple : je voudrais connaître la sensibilité équivalente pour un tirage 20x30 cm d'une photo prise à 6400 ISO avec l'Alpha 7R. Je calcule la résolution de mon écran avec le calculateur, lequel m'indique 96 ppp, soit 37,8 ppc (pixels par centimètre, obtenus en divisant les ppp par 2.54). La photo issue de l'Alpha 7R fait 36 Mpx. Je divise ce chiffre par le carré de la résolution en ppc pour obtenir la surface de l'image en cm², soit dans mon cas 25195 cm². La surface de l'image imprimée est de 20x30 = 600 cm². J'obtiens donc un rapport de sensibilité de 42 (25195/600). Cela signifie que la sensibilité équivalente de ma photo prise à 6400 ISO est de 152 ISO ! C'est donc l'examen à 100% d'une photo prise à 152 ISO qui m'indiquera le niveau de bruit perceptible sur le tirage 20x30 cm de ma photo prise à 6400 ISO.
Notez que le calcul initial n'est à faire qu'une seule fois. Ainsi, pour un tirage 30x45 cm (soit une surface de 1350 cm²), on obtient rapidement le rapport de sensibilité : 25195/1350=19. Les limites de ce calcul sont liées à la nature très différente des supports papier et écran. Il faut donc considérer ces calculs comme indicatifs, alors qu'ils sont exacts dans le paragraphe précédent où le support est le même.
Dans les deux cas, on voit que l'écart est énorme en présence d'un tel capteur, et on devine l'énormité de l'erreur d'appréciation que l'on peut commettre en auscultant une image à 100% sans avoir conscience de tout cela. On commet le même genre d'erreurs en comparant la qualité de photos issues de capteurs de tailles différentes. Là aussi, il faudrait introduire la notion de sensibilité équivalente, ou normaliser comme a choisi de le faire DxOMark.
À chacun de faire les calculs pour son appareil photo, son écran et ses tirages papier...
Commentaires
Puis, après une reduction de l'image ça ne se vois plus.
Qu'en pense tu ?
C'est particulièrement vrai quand on part d'un raw codé sur plus de 8 bits.
Pour revenir au sujet, il est important de se poser la question de la finalité : visualisation écran, impression, dimension, etc...
Si la finalité est de faire une présentation sur site internet, ou écran, avec, au mieux, une taille du type full hd 2k (grosso modo 2000x1000), il faut se poser réellement la question de l'intérêt de scruter une image à 100%...
Sans le dénigrer, au contraire, la visuialisation 100% possède des atouts incontestables, il faut juste penser à l'utiliser avec des pincettes, ou savoir exactement ce que l'on veut in fine.
Pour rebondir sur les propos ci-dessous, il y a un domaine où la visualisation à 100% reste très importante: celui des panoramas sphériques 360°*180°... qui sont bien sûr dédiés à une visualisation sur écran... et où on peut zoomer dans l'image jusqu'à 100% !
Les panoramas sphériques sont en effet des cas particuliers, et choisir la sagesse en réduisant la taille de l'image si elle n'est pas parfaire au niveau du pixel.
Qu'en est il de l'estimation du piqué d'une image? Peut on faire un parallèle avec le bruit? En effet la sensation de netteté augmente avec la diminution de la taille de l'image visualisée ou imprimée.
La spécificité du traitement du piqué est qu'on doit se préoccuper de la netteté de l'image finale en réalisant une accentuation de sortie afin de lui restituer la netteté perdue pendant les diverses manipulations. Là encore, il faut faire cela avec mesure, d'autant que comme vous l'écrivez, la netteté apparente augmente avec la diminution de la taille de l'image (les détails flous de plus petite échelle disparaissent). J'avais évoqué cela dans un article sur un thème connexe.
Pour le reste je suis en "adapter la photo à l'écran". Mon écran affichant peu ou prou une dimension A3 (un poil plus en fait) je sais que si la photo me convient à ce format, elle conviendra à l'ensemble de mes tirages, puisque mon imprimante ne gère pas plus que le A3
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