Jan
20
2009
Le format RAW (I) : Introduction
Même s'il est désormais entré dans les moeurs et dans les pratiques de beaucoup de photographes, le format raw reste mystérieux pour les nouveaux arrivants dans le monde des reflex numériques. Malgré l'engagement fort d'auteurs comme Volker Gilbert ou Bruce Fraser et l'amélioration considérable des logiciels de traitement raw ces dernières années, beaucoup d'idées fausses circulent toujours sur ce format d'enregistrement.
Nous vivons dans un monde de zapping et de consommation immédiate où ce qui demande un effort n'est pas valorisé. Or le raw a le grand malheur de ne pas être une image directement "consommable" et de nécessiter un développement, à l'instar des films argentiques (d'où l'appellation, partiellement exacte, de négatif numérique). Alors parfois le photographe renonce face à cet obstacle à la simplicité et à l'immédiateté, en se convainquant que le raw ne sert à rien ou est inutile pour sa pratique photo, qu'il fait perdre du temps, et que sais-je encore...
Il ne s'agit pas ici de culpabiliser les utilisateurs de jpegs direct : la raison de ces renoncements est le plus souvent une méconnaissance du format raw et de ses possibilités, ainsi qu'une certaine crainte compréhensible devant la complexité apparente des logiciels de développement.
Nous vous proposons une série d'articles destinés à démystifier le format raw et à montrer que, loin d'être d'usage complexe et inaccessible, les logiciels dédiés sont à la fois simples, puissants et efficaces, moyennant un apprentissage qui n'est pas plus long ou ardu que celui d'un éditeur d'images classique. Des informations théoriques et techniques seront suivies par des considérations et des conseils sur le développement des raws issus des boîtiers Sony Alpha.
Introduction
Faire ses prises de vue en raw permet de maîtriser les étapes de la production photographique. Pour peu qu'on dispose d'une imprimante, c'est une maîtrise complète qui devient possible. Cela veut dire qu'à aucun moment on ne laissera des automatismes faire des choix à notre place, sauf à l'avoir explicitement demandé comme par exemple quand on utilise l'AF ou la mesure d'exposition du boîtier.
Choisir le raw, c'est maximiser les possibilités d'obtenir le meilleur de ses clichés lors de la phase de post-production. Nous y reviendrons.
Le raw, comme son nom l'indique, est un format "brut". Il contient l'information directement enregistrée par le capteur, sans modification d'aucune sorte. Quand on choisit le jpeg direct, c'est le DSP (Digital Signal Processor, logiciel embarqué dans le boîtier) qui développe le raw en utilisant les réglages boîtier qu'aura fait l'utilisateur : balance des blancs, teinte et saturation, espace de couleur, contraste, réduction de bruit, accentuation ou encore modes créatifs qui sont pour l'essentiel des combinaisons de ces réglages. Le DSP fixe ainsi toute une série de paramètres, en réduisant considérablement le nombre de degrés de liberté contenu dans le raw, et au final il procède à un enregistrement en jpeg 8bits (ou en tiff 16 bits quand le boîtier le permet).
On pourrait se dire qu'après tout le boîtier ne fait qu'obéir aux instructions que lui aura donné le photographe. C'est exact, mais en photo il existe de nombreux impondérables : une balance des blancs mal réglée, une exposition mal estimée qui décale l'image vers les hautes ou les basses lumières, une scène à forte dynamique qu'un jpeg direct ne pourra restituer, un mauvais choix dans les réglages de saturation ou de contraste, etc.
Ce qu'il faut comprendre, pour bien mesurer les avantages du raw, c'est que si on a choisi le jpeg direct, les possibilités d'intervention pour corriger ensuite les défauts de son image sont considérablement réduites. Les zones brûlées ou bouchées le resteront, une modification de la balance des blancs ou des couleurs cassera l'équilibre colorimétrique, et la réduction à 8 bits ajoutée à la compression du jpeg pourront générer une multiplication des artefacts si les retouches apportées à l'image sont trop lourdes (pour n'évoquer que les pires affres, mais il y en a d'autres).
Quand on choisit un enregistrement en raw, on s'ouvre les possibilités suivantes :
• Enregistrement en 12 bits (ou 14 bits) et travail sur 16 bits, ce qui permet d'exploiter la totalité des couleurs et des tonalités enregistrées par le capteur
• Contrôle de la balance des blancs : celle-ci n'est fixée qu'au moment du développement logiciel sur votre ordinateur
• Contrôle du contraste de l'image : courbes, niveaux, point noir, point blanc, etc.
• Choix de l'espace de couleur au moment du développement
• Contrôle de la saturation (et de la vibrance)
• Possibilité de caler précisément la dynamique de son image.
• Plage dynamique plus importante : possibilité de faire "rentrer" dans l'image des hautes lumières qui auraient été irrémédiablement perdues en jpeg.
• En corollaire du point précédent, possibilité d'opter pour une légère sur-exposition au moment de la prise de vue, ce qui permet d'avoir des basses lumières mieux détaillées et moins bruitées.
• Modifications du raw non destructives : elles sont enregistrées en méta-données dans un fichier side-car et sont à tout moment réversibles, totalement ou partiellement. Ce contrôle très étendu des paramètres de développement permet une infinité d'interprétations du raw.
• Simplification de la prise de vue : le photographe peut se concentrer sur son sujet puisque tous les paramètres peuvent être réglés a posteriori en post-traitement, à l'exception bien évidemment de l'ouverture et de la vitesse qui déterminent l'exposition (le raw ne peut faire de miracle sur des images à l'exposition décalée de 2 ou 3 IL).
• Les meilleurs logiciels de développement disposent de modules de dématriçage, de réduction de bruit et d'accentuation parfois plus performants que ce dont est capable le DSP du boîtier.
Dans les prochains chapitres de ce dossier sur le format raw, nous nous efforcerons d'illlustrer ces différents points avec des exemples précis.
Nous n'éluderons pas les inconvénients du raw, car il y en a bien évidemment : images non disponibles immédiatement, pérennité du format, taille des fichiers, temps passé en post-traitement et nécessité d'un ordinateur suffisamment puissant pour travailler dans un minimum de confort (la question est cruciale quand on développe des raws issus d'un Alpha 900).
A la question "Quand doit-on utiliser le raw ?", j'aurais tendance à répondre "tout le temps". Il n'y a aucun cas où le jpeg direct sera meilleur que ce qu'on peut obtenir à partir du raw dans la mesure où le logiciel de développement Image Data Converter, fourni avec le boîtier, permet a minima de produire le même résultat, et tous les réglages additionnels sont alors du bonus. Il est en revanche bien évident que certaines pratiques interdisent l'usage du raw. Je pense en particulier aux pros qui travaillent en temps réel dans la photo sportive ou de reportage. Les images doivent pour eux être immédiatement disponibles, ce que ne permet pas le raw.
Au-delà du potentiel d'amélioration des images, plus ou moins important selon le type de scène photographiée, le raw est un état d'esprit : le contrôle total de son flux de travail pour le meilleur résultat possible. A ceux qui croient judicieux d'opposer le noble art de la prise de vue à la vulgaire technique de post-production, comme si cela devait nécessairement être l'un ou l'autre mais pas les deux, je répondrais qu'il est encore plus dommage quand on a l'oeil photographique de laisser à des automatismes le soin de produire le rendu final de ses images. Même les grands écrivains relisent leurs brouillons et en corrigent les imperfections. A ceux enfin qui ne voient dans le raw qu'une perte de temps, nous montrerons dans l'article concernant le flux de travail en raw que non seulement il n'en est rien avec les outils logiciels d'aujourd'hui, mais que dans bien des cas le raw permet même de gagner beaucoup de temps.
A tous ceux qui hésitent à se lancer dans cette "aventure", je conseille de régler leurs boîtiers sur raw+jpeg et de s'essayer au développement. Ce double mode d'enregistrement, même s'il remplit trop vite cartes mémoires et disques durs, permet de disposer immédiatement d'un jpeg tout en maintenant la possibilité d'obtenir encore mieux pour certaines images qui paraîtront mériter un traitement plus ambitieux.
Pour finir, n'oubliez pas que l'amélioration permanente des logiciels de développement offrira demain des perspectives encore plus étendues pour un rendu toujours meilleur de vos images prises en raw aujourd'hui, alors que vos jpeg resteront définitivement ce qu'ils sont.
A suivre...
Commentaires
Je confirmerais, pour l'avoir utilisé sans le vouloir, que le RAW permet effectivement récupérer des zones d'une image surexposées et qu'on aurait mises à la poubelle en JPG car définitivement cramées. Les fonctions DRO basses et hautes lumières de IDC sont super pour ce cas de figure, entre autres.
Je parlerai dans un des articles à venir de ce qui est possible de faire avec IDC, en particulier pour la récupération de la "réserve" de dynamique qu'offre le raw.
Il y a également en préparation un grand tuto spécifique sur IDC, qui fera un tour complet de ce que permet le logiciel Sony qui est critiqué pour son ergonomie mais offre un panel d'outils de développement très complet.
IDC est critiqué mais il ne faut pas oublier qu'il est gratuit, et que ses fonctions sont très bien concues. Il est très efficace selon moi et je ne suis pas persuadé que les 300€ d'un LR soient justifiés en regard de ce que peut faire ce soft. Certes, IDC ne gère pas le flux de pproduction d'un photographe, et il ne permet pas non plus quelques retouches (genre recadrage) comme le permet LR mais à ce prix, on peut s'offrir d'autres softs gratuits qui font ça très bien.
Prochain article ce week-end. Il sera assez théorique, mais il faut poser quelques bases afin que la construction soit solide et la compréhension durable...
J'ai un blog ou l'on peut voir les photos que je fais. Mon pseudo est patou63500.
Tu peux développer tes raw avec IDC, qui est livré avec les boîtiers Alpha, mas également avec beaucoup d'autres logiciels. Mon préféré est Lightroom pour les raws à faible sensibilité et DxO Optics Pro au-dessus de 1600 ISO, mais ils sont loin d'être gratuits. Une autre bonne solution est Capture One, un peu moins cher. En gratuit, tu as RawTherapee, mais il n'est pas vraiment meilleur que IDC.
possesseur d'un A100,dont je ne trouve plus les CD, comment faire pour télécharger IDC?
sur le site sony je ne vois que des MAJ!
je voudrai me lancer dans le format RAW
merci
Avez-vous essayé de procéder à une installation ?
A suivre...
Pour le savoir, prenez quelques photos et ouvrez-les avec Optics Pro, sans que le soft Sony ne les lise.
Pour les débutants, c'est un choix basé sur la simplicité qu'offre ce format.
Mais confier la prise de décision à l'automatisme est réducteur lorsque l'on souhaite aller plus loin!
Imaginez, un bit supplémentaire dans le codage numérique permet de multiplier par deux le nombre de nuances. Un passage de 8 bits en 14 bits offre 64 fois plus de tons pour retranscrire une scène.Du pain bénit pour nos capteurs, nos logiciels.
Essayer, c'est l'adopter.
Mais je ne comprends pas pourquoi le RAW serait délicat pour le journaliste d'action sportive?
Le mode rafale des boitiers haut de gamme supporte aisément les cadences élevées des Raws et les presets à l'importation permettent d'obtenir très vite une image consommable.
L'avantage du JPEG, pour ces métiers sera sa facilité à être envoyé sur la toile vu son faible poids.
Le JPEG est assimilable au polaroïd et le Raw au film argentique. Patrick parle de chambre noire numérique. C'est exactement ça. Les packs DXO nous offrent des rendus de film d'époque etc etc.
Je pense que le RAW est particulièrement indispensable pour les amateurs de noir et blanc.
Le seul reproche que je ferais au RAW, c'est sa complexité à appréhender pour l'amateur débutant. Gestion d'espace de couleur, gamma, modèle colorimétrique, simulation de rendu etc etc.
Une mauvaise maîtrise de ces concepts et patatras, c'est l'image qui est saccagée. Peut être une des raisons, qui fait fuir les débutants devant ce format.
Sinon merci de déterrer des sujets vieux de trois ans, ça rappelle qu'il est grand temps de les refaire... :wink:
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