Nov
07
2009
Alpha 900 + DxO Optics Pro 6 = 102400 ISO ?
Révolution, réinvention de la photo, exploit technologique... la presse a fait assaut de qualificatifs dithyrambiques pour qualifier les 102400 ISO du Nikon D3s. En face de la campagne de communication de Nikon sur ce boîtier, il aurait été bon que quelques voix s'élèvent pour remettre le dit exploit technologique à une plus juste place.
Pas simple il est vrai, devant les superbes images de Vincent Munier, de ne pas s'esbaudir et d'oser un peu relativiser les choses, d'autant que ce boîtier est remarquable en tous points. C'était donc sans doute mission impossible...
Et pourtant... les 102400 ISO ne sont pas vraiment un exploit technologique et n'importe quel boîtier pourrait les afficher à son compteur. Avec un résultat certainement moins probant que celui du D3s, mais ce serait possible sans difficulté technique majeure.
J'irai même plus loin : il n'est aucunement besoin qu'un boîtier propose 102400 ISO pour faire des clichés à cette sensibilité monstrueuse. Avant de m'en expliquer, voici quelques petits rappels techniques.
La montée en sensibilité en numérique n'a rien à voir avec ce qu'elle était en argentique. Quand on voulait faire des clichés à haute sensibilité, on mettait le film correspondant dans son boîtier et il n'était pas possible d'en changer (sauf à pousser un peu le film au développement). En numérique, il suffit de tourner une molette pour grimper en ISO... c'est du moins l'impression qu'on en a.
Le point commun entre un film argentique et un capteur numérique est leur sensibilité nominale fixe. Pour modifier cette sensibilité, on change le film dans un cas, et on amplifie le signal dans l'autre. Cette amplification est réalisée globalement sur le signal analogique, à laquelle s'ajoute un éventuel traitement additionnel sur le signal numérisé. L'amplification analogique définit en général la plage "normale" d'utilisation. Celle de l'Alpha 900 est ainsi considérée comme allant de 200 à 3200 ISO. La sensibilité 6400 ISO est très probablement le résultat d'un traitement numérique, sans doute guère plus efficace qu'un traitement logiciel.
Il savère que le D3s, sauf erreur de ma part, bénéficie d'une plage de sensibilités "normale" allant jusqu'à 12800 ISO, puis trois crans supplémentaires de traitement (ou amplification) du signal numérisé qui permettent d'atteindre ce chiffre énorme de 102400 ISO. Si on part de l'hypothèse que ce qu'on va appeler par commodité amplification numérique ne fait pas vraiment mieux qu'une bonne "amplification logicielle" en post-traitement, alors disposer de cette amplification dans le boîtier ne présente qu'un intérêt très limité.
Autre élément technique : une bonne exposition est produite par une infinité de triplets (vitesse, ouverture, sensibilité). Si on divise le temps d'exposition par 2, on aura deux fois moins de lumière qui arrivera sur le capteur, et pour conserver une bonne exposition, il faudra compenser en augmentant l'ouverture du diaphragme (par un facteur racine de 2, en passant par exemple de f/4 à f/2.8) ou en multipliant par 2 la sensibilité. La différence entre ces deux modalités de compennsation, c'est que l'ouverture du diaphragme va faire réellement arriver plus de lumière sur le capteur, alors que l'augmentation de la sensibilité va amplifier le signal obtenu avec 2 fois moins de lumière. En résumé, augmenter la sensibilité de 3 niveaux (ou 3 diaphs, ou 3 IL, ou 3 niveaux de vitesse, ou 3 stops, on appelle ça comme on veut), c'est amplifier le signal d'un cliché sous-exposé de 3 niveaux.
On arrive au coeur de mon propos : ces 3 niveaux d'amplification numérique, on peut les faire de manière logicielle. On peut donc simuler un 6400 ISO en prenant une photo à 3200 ISO sous-exposée d'1 IL, puis compenser cette sous-exposition en tirant le curseur d'exposition de son logiciel de développement d'1 IL vers la droite. On sera parti exactement des mêmes données que l'amplification faite dans le boîtier, mais on aura fait l'opération de manière logicielle, en-dehors du boîtier.
N'ayant pas de D3s, j'ai tenté l'expérience avec un Alpha 900 à sa sensibilité normale maximale, soit 3200 ISO. J'ai fait des clichés sous-exposés de 1, 2, 3, 4 et même 5 IL, puis j'ai remonté l'exposition d'autant à l'aide d'un logiciel, DxO Optics Pro 6 en l'occurence, ce qui simule les sensibilités allant de 6400 à 102400 ISO.
Avant de montrer et commenter les résultats, je vais citer une phrase du communiqué de presse de DxO lors de la sortie de la v6 :
[...]De manière générale, DxO Optics Pro 6 apporte donc aux photographes de nombreux avantages :
• des photos splendides obtenues à la valeur ISO maximale de leur appareil – et même au-delà[...]
Lue au premier degré, la fin de la phrase peut faire sourire : comment donc aller au-delà d'une valeur maximale ? Et bien tout simplement comme je viens de l'indiquer : en n'ayant pas peur de sous-exposer à la sensibilité maximale de son boîtier, puis en remontant l'exposition dans le logiciel. Si, par exemple, vous êtes dans une salle de théâtre et qu'à 6400 ISO avec l'Alpha 900 vous avez encore des vitesses d'obturation trop lentes pour éviter un flou de bougé, shootez deux fois plus vite en sous-exposant d'1 IL et vous obtiendrez, après ré-exposition dans votre logiciel, une photo nette et bien exposée, à une sensibilité équivalente de 12800 ISO.
Avant de montrer les résultats, je voudrais dire qu'après avoir fait ma série de clichés, j'ai tenté de les développer dans plusieurs logiciels (Optics Pro 6, Lightroom 2, Lightroom 3 beta, Capture One et Bibble 5 preview). L'écart entre les résultats obtenus avec Optics Pro et ceux obtenus avec les autres logiciels est absolument énorme, et seul le logiciel de DxO a su produire des exports de qualité à ces pseudo-sensibilités très élevées. Ce qui est encore plus fort, c'est que je n'ai eu aucun ajustement de contraste, de point noir ou autre à réaliser : tout a été automatique, avec les valeurs par défaut. Pire encore : j'ai finalement choisi de ramener à 20 la valeur du curseur de luminance pour tous les clichés ! J'avoue ici ma grande stupéfaction, et je regrette de ne pas avoir pris de cliché à 6400 ISO car je suis convaincu que le 3200 ISO + 1 IL/DxO aurait été de meilleure qualité. Ce sera pour une prochaine expérience...
Voici donc les résultats. Pour chaque pseudo-sensibilité, vous avez accès en format 560px à la scène développée avec ré-exposition, puis à la scène non ré-exposée si vous laissez quelques secondes la souris sur l'image. En-dessous de chaque image, vous avez accès à la même en plus grand format (1024px), puis à un crop 100% dans l'image pour évaluer le niveau de bruit et de détails résiduels. Ne pas oublier qu'un crop 100% correspond, visualisé sur un écran d'ordinateur à 72 dpi, au détail d'une image de dimensions 160x107 cm, soit donc une affiche publicitaire !!!
3200 ISO
Passer la souris sur l'image pour voir l'image originale à 3200 ISO
6400 ISO (3200 ISO + 1 IL)
Passer la souris sur l'image pour voir l'image originale à 3200 ISO
12800 ISO (3200 ISO + 2 IL)
Passer la souris sur l'image pour voir l'image originale à 3200 ISO
25600 ISO (3200 ISO + 3 IL)
Passer la souris sur l'image pour voir l'image originale à 3200 ISO
51200 ISO (3200 ISO + 4 IL)
Passer la souris sur l'image pour voir l'image originale à 3200 ISO
102400 ISO (3200 ISO + 5 IL)
Passer la souris sur l'image pour voir l'image originale à 3200 ISO
Commentaires
Le titre de cet article n'est évidemment qu'un clin d'oeil à l'actualité : il n'y avait aucune chance, avec un boîtier plein format 24 Mpx, d'obtenir un résultat aussi qualitatif qu'avec le D3s. On peut considérer qu'il n'y a pas loin de 2 IL d'écart de bruit entre les deux boîtiers (en raw bien évidemment, et en utilisant DxO Optics Pro pour l'A900).
Les images restent très regardables en format 1024px jusqu'à 25600 équivalents-ISO (soit avec une amplification logicielle de 3IL), et ne se dégradent fortement qu'au-delà (les 102400 ISO ne sont là que pour dire qu'on peut y aller, mais évidemment le résultat est très mauvais).
Si Sony (ou n'importe quel autre manufacturier) était en mesure de produire une "amplification numérique" qualitative, ils pourraient donc se permettre de proposer des sensibilités de 12800 ou même 25600 ISO pour un boîtier comme l'Alpha 900, qui donnerait en raw des résultats proches de ce que je viens de montrer plus haut. Avec un logiciel comme DxO Optics Pro, cela devient en réalité inutile, et si un Nikoniste me lit et dispose d'un D3s, je suis très curieux de savoir qui d'Optics Pro ou de l'amplification numérique du boîtier produit le meilleur résultat (j'ai ma petite idée sur la réponse ;-)).
J'attends pour ma part avec impatience que les Alpha 500 et 550 soient pris en charge par DxO car ils bénéficient d'une importante amélioration du niveau de bruit par rapport à l'Alpha 900, et je pense que les 102400 équivalents-ISO entreraient dans la catégorie du regardable en petit format. A suivre...
Commentaires
Mais ton commentaire me donne envie de savoir ce qu'il en est pour l'Alpha 900 aux sensibilités plus basses ! Affaire à suivre donc...
Merci pour la réponse et ces articles forts intéressants.
• En mode Auto, on n'a accès à rien du tout, et donc à aucun décalage de programme.
• En mode A, l'ouverture est fixée et donc la correction d'expo n'agira que sur la vitesse.
• En mode S, la vitesse est fixée et donc la correction d'expo n'agira que sur l'ouverture.
• En mode P, la correction agira sur les deux paramètres, exactement comme en mode non corrigé, c'est-à-dire en suivant les mêmes algorithmes automatiques de détermination de la bonne exposition, à ceci près que celle-ci sera décalée. C'est déjà mieux qu'en mode Auto où rien n'est possible, mais le photographe n'a toujours pas la main sur la gestion de la profondeur de champ, ce qui est quand même dommage.
- 1er constat : privilégier les sensibilités de la plage nominale (200 à 3200 ISO sur A700), c'est-à-dire le 400 ISO natif donne de meilleurs résultats que le 200 ISO -1IL (=400 ISO).
- 2eme constat : Le A700 permet de varier de +/– 3IL, mais compenser à 3IL dégrade énormément l’image, 2IL semble être la juste limite. A -3IL et en laissant les corrections par défaut de DxO, l’image vire aux dominantes bleues et « moutonne ».
- 3eme constat : 3200 ISO -1IL, donnant un 6400 ISO après traitement dans DxO v6, produit un meilleur résultat que le 6400 ISO du boîtier (bravo Dxo, hou !! pour Sony).
- 4eme constat : 12800 ISO obtenu avec la sensibilité de 3200 ISO -2IL est utilisable mais commence à « moutonner » dans les crops 100%, mais reste exploitable.
- 5eme constat : 25600 ISO, obtenu avec le 3200 ISO -3IL, « moutonne » vraiment, et reste très visible même sans crop 100% !! Peut être exploité pour des prises de vue lors d’aubes brumeuses ou dans certains contextes où le « moutonnement » servira le style de la photo ?!
J’ai effectué ces test avec un Sigma 24-70 EX DG à 24mm à F/8 sur pied avec le Remote Camera Control pour effectuer les prises de vue en un minimum de temps (j'en ai même oublier de désactiver l'AS,hou pour moi!!), les temps de pose ayant varié de 1/2s à 1/200s et mode RAW, évidemment.
Merci encore à Patrick pour cet article fort intéressant qui m’a motivé à faire mes propres tests, et déterminer ainsi mes « best practices » de mon A700.
Je n'ai qu'une remarque à faire sur ta parenthèse (bravo Dxo, hou !! pour Sony). Il ne faut jamais perdre de vue que le boîtier n'a qu'une fraction de seconde pour faire son job alors que DxO prend plusieurs dizaines de secondes sur un processeur et peut faire tourner des algos beaucoup plus complexes.
C'est aussi et surtout pour cette raison que je pense que cette histoire de 102400 ISO sur le boîtier est sans intérêt étant donné qu'il y a toutes les chances qu'on puisse faire mieux en post-traitement de photos sous-exposées (surtout avec un soft exceptionnel dans ce doomaine comme Optics Pro)...
Juste une correction, en réalité un capteur travaille toujours à la même sensibilité (200 native pour l'A900), tout le reste n'est qu'amplification du signal.
Si tu pouvais m'indiquer précisément où j'ai commis une erreur, afin que je la corrige. Merci d'avance.
Un réglage à 200 iso traduit juste le fait que le signal envoyé par le capteur du a900 n'a pas été modifié.
Dans le paragraphe sur l'amplification, j'ai pris soin de différencier l'amplification analogique qui se fait avant numérisation du signal, et qui définit ce que j'ai appelé une plage "normale" d'utilisation du boîtier, et l'amplification numérique qui commence après 3200 ISO. La sensibilité 6400 ISO est donc bien le résultat d'une amplification numérique, au contraire des sensibilités boîtier comprises entre 200+ et 3200 ISO qui n'ont subi qu'une amplification analogique.
Je ne vois donc toujours pas où est l'erreur que j'ai commise, et ce que tu dis et répète me semble être non seulement écrit mais assez détaillé dans mon rappel technique initial sur l'amplification du signal. Je me cite :
"Le point commun entre un film argentique et un capteur numérique est leur sensibilité nominale fixe. Pour modifier cette sensibilité, on change le film dans un cas, et on amplifie le signal dans l'autre."
J'ai éventuellement juste omis de signaler que la sensibilité nominale de l'Alpha 900 est 200 ISO, ce qui est d'ailleurs inexact, DxOMark (www.dxomark.com/index.php/eng/Image-Quality-Database/Sony/Alpha-900) ayant évalué le 200 ISO de ce boîtier à une valeur réelle de 151 ISO.
La seule valeur analogique fournit par le capteur est 151 iso, ensuite tout le reste n'est que de la cuisine numérique.
L'amplification que j'appelle numérique est en effet une cuisine, comme tu dis, qui permet d'aller au-delà de l'amplification du signal analogique. Cette cuisine n'est d'ailleurs pas nécessairement la même selon les constructeurs, et ils la stigmatisent souvent eux-mêmes en nommant de manière spécifique les sensibilités qui en découlent (modes Hi1, Hi2, Hi3 pour le D3s) pour signifier qu'elles ne sont pas à considérer de la même manière que celles de la plage normale. Nikon évoque à leur propos des "traitements poussés", sans que l'on sache la nature de ces traitements.
Donc en effet, il n'y a pas moyen de savoir exactement ce que sont ces traitements additionnels, mais on sait au moins qu'il ne s'agit pas de "pure" amplification du signal analogique avant conversion A/N.
Il me semble que toute numérisation d'un signal analogique continu consiste en une transformation discrète (discontinue), impliquant nécessairement une dégradation plus ou moins forte du signal d'origine.
On retrouve ce problème en musique par exemple, les bandes magnétiques ou les vinyles offrant la meilleure reproduction possible (signal continu) alors que les CD ou les MP3 (le pire !) dégradent sensiblement la qualité du son (numérisation + compression du signal avec perte)
En photographie, j'en déduis qu'il vaux mieux bannir le plus possible les traitements après numérisation, puisqu'ils portent sur un signal dégradé, et que l'amplification du signal continu du capteur donnera le meilleur résultat possible.
Pour avancer à titre personnel, j'ai trouvé ce lien à propos des capteurs photosensibles des APN :
astrosurf.com/luxorion/photo-numerique3.htm
Sinon, merci Patrick pour votre réponse rapide à ma question.
Il y a de toute façon un traitement sur le signal numérisé inévitable puisqu'il va bien falloir dématricer le fichier raw, et traiter le bruit en amont et en aval de cette conversion en image bitmap. Les bons logiciels de développement, comme Optics Pro, font l'essentiel de ce traitement avant dématriçage, selon le principe que plus les traitements sont faits tôt, plus les possibilités d'interventions sont grandes et moins elles font de dégâts...
On peut "gagner" encore 1 IL si on considère que l'expo "6400" iso (3200 -1IL) est "bonne". Je vois beaucoup d'images qui semblent entre un poil sous-ex et franchement sous-ex, et c'est le cas de certaines images de Munier, je me souviens juste de l'ours en quasi portrait.
I will do this complementary test asap because it may be a strategic result for a very high ISO use of the cameras. Anyway, I'm almost sure that only DxO Optics Pro is able to win the fight against analogic amplification for Sony's cameras...
Très intéressant.
J'hésitait à me mettre à jour, mais je pense que cette contribution m'a décidé à passer à la dernière version logicielle de DxO (pour autant qu'elle me permette de retraiter mes anciens projets faits avec DxO 4.5).
Moi c'est DxO 4 que j'ai shunté, pour cause de Lightroom : je suis passé de la 3.5 à la 5, et à présent à la 6. J'utilise avec bonheur les deux logiciels, et je suis très pressé de voir arriver la version finale de LR3. DxO6 + LR3 va être un couple de la morkitue...
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